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Pointculture_cms | critique

BELLY

publié le

Quand en 1987, Public Enemy balance un salvateur « Bring The Noise » (et repris en 91 en compagnie des métallos d’Anthrax) à la face du monde, la troupe emblématique de la première déferlante hip hop ne se doute pas qu’elle serait prise au mot, deux […]

Quand en 1987, Public Enemy balance un salvateur « Bring The Noise » (et repris en 91 en compagnie des métallos d’Anthrax) à la face du monde, la troupe emblématique de la première déferlante hip hop ne se doute pas qu’elle serait prise au mot, deux décennies plus tard par deux factions de trublions qui (re)mettent une couche de bruit dans leur rap.
La place manque ici mais à l’instar de toute poussée musicale de première importance, le hip hop a rapidement accouché dans l’ombre de fils et filles déviants et curieux qui très tôt, sont allés quérir bien au-delà de leur champs de prédilection (la manne soul/funk et electro) une matière première à sampler et une moisson de beats bâtards qui tranchent avec un ordinaire musical corseté par l’exigence du succès et la routine mortifère. Les agencements rythmiques et le son des Anti Pop Consortium, Cannibal Ox, cLOUDDEAD, Mr Lif et autres EL-P puis(ai)ent à foison dans l’electro la plus radicale et les climats urbains et post-apocalyptiques de leurs disques épineux et charbonnés, tranch(ai)ent avec le décorum chic et choc d’halloween hollywoodien d’une bonne partie de la scène cataloguée industrielle.
En 2007, Dälek se fondait en compagnie des Suisses de Young Gods (rock machinique) dans Griots & Gods, une entité composite à mi-chemin d’un hip hop décharné et d’une noise d’essence électronique. L’association accouchait d’une réelle singularité et non d’une énième boursouflure rap/metal aux points de soudure grossiers et à la souplesse malhabile. Et c’est une constante depuis sa signature sur le label multipolaire Ipecac (des Melvins à Imani Copolla) de Mike Patton (Fantomas…), le duo formé par Dälek lui-même (micro) et The Oktopus (production) fait preuve d’un stoïcisme entêté. Imperméable à la lumière, indifférent aux manifestations de l’ego et tout entier recroquevillé sur son propos: la description d’une «société moderne» et paranoïaque qui assure sa survie en perpétuant les inégalités. Rien de bien neuf mais l’acuité sidérante d’une vision forgée à l’épreuve impitoyable des faits et consignée album après album («Gutter Tactics» est le cinquième) dans des architectures glaciales et dantesques qui font s’entrechoquer beats éléphantesques et pans lézardés de murs de dissonances salies. Fascinant mais inquiétant car ce monde est également le nôtre.
Sur le fond, Food For Animals doit s’accorder sur bien des points avec la philosophie du duo étasunien sauf que ce trio de Washington D.C. oxygène son flow de quelques salvatrice bouffées d’humour pince-sans-rire (« Grapes ») et surtout, offre un angle d’ouverture maximal à un hip-hop incroyablement fouineur et pantagruélique. Dans le menu animalier de ce crew plus blanc (2) que black (1), un incroyable festin d’electronica véloce école Venetian Snares, Jason Forrest ou l’Aphex Twin des lundis matins, des résidus de post-industriel réminiscents des précités, et des (poly)rythmiques complexes qui absorbent les acquis et la dextérité éduquée (au jazz, au funk et à la soul) d’un DJ Shadow («Swampy (Summer Jam)»)pour la transposer sur un terrain mouvant où les phénomènes de déconstruction/reconstruction suivent des trajectoires parfaites de courbes oscillantes. Sans oublier un duo de MC’s (les hommes au micro) nanti du don d’ubiquité (et clonage virtuel via l’auto-sampling) à faire pâlir Doseone (cLOUDDEAD, Subtle…) de jalousie et une patine sèche et frontale à défriser les terroristes sonores du grime («Shhhy»).
Peut-être futur guide Michelin d’une nouvelle cuisine hip-hop, «Belly» permet enfin de joindre l’acte (ce disque) à cette si célèbre antienne des concerts rap: «Make some Noise ! ! ».
On ne croit pas si bien dire…

Yannick Hustache

 

 

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