FOOL'S GOLD
C’est sans doute une affaire d’imprégnation en spirale et de curiosité mêlée d’une délicieuse inconscience dans un monde de plus en plus rétréci qui explique qu’une belle troupe de Californiens (douze au dernier recensement !) se retrouve à infuser massivement des polyphonies rythmiques africaines (et dont l’origine se partage entre Congo et Corne de l’Afrique) au point d’être bombardée chef de file provisoire (?) d’un genre (??) encore à définir : l’afrorock.
Mais pour couper court à toute suppuration de sémantique réductrice (commencée avec le terrible world music qui joue la division Occident contre le reste du monde…) et éviter de décerner des brevets d’authenticité à tout-va (Vampire Weekend : faussaires ?), on fera un rapide détour par les parcours respectifs des deux protagonistes principaux de ce minerai semblable à l’or, la pyrite, appelé là-bas Fool’s Gold. Ainsi, le guitariste Lewis Pesacov a grandi à Miami au contact direct des sonorités des Cubains de l’exil ou des musiques de la Jamaïque avant d’étudier la composition classique et contemporaine, notamment en Allemagne. Et puis, à 25 ans, il réalise que son intérêt pour les couches de rythmes et mélodies superposées l’amène naturellement sur le continent africain. Et sans jamais y poser le pied - Lewis est un enfant de l’Internet et s’est abondement nourri de la manne des rééditions/compilations thématiques telle la série Ethiopiques – il monte Fool’s Gold en compagnie de Luke Top qui, quant à lui, utilise l’hébreu, langue qu’il n’a pratiquée que jusqu’à l’âge de trois ans, les deux complices s'entourant d’un nombre croissant de participants, tous Américains et blancs !
Sans doute parce que dégagé du calcul positionnel et empreint quelque part de cette innocence propre au nouveau venu qui désinhibe et pousse à avancer tout azimut, Fool’s Gold (le disque) est bien davantage une balle de ping-pong «magique» lancée entre les continents qu’un coloriage africaniste appliqué avec bonheur au dessin d’une pop en manque de soleil. L’entrée en matière est imparable. « Surprise Hotel » a l’élasticité d’un soukous (un dérivé de la rumba) congolais; déjà tube sur la toile « Nadine » se réfère aux heures chaudes de l’éthio-jazz (né d’une fusion imposée jazz/éléments locaux) de l’Addis-Abeba des années 1960-1970; « Ha Dvash » est traversé d’un motif blues malien aux ailes déployées; et le conclusif «Momentary Shelter» dont la triple assise instrumentale en hélice et un chant plus marqué illustrent – bien mieux qu’un livre d’histoire – l’exception des Falashas, ces Ethiopiens juifs à l’ascendance reconnue!
On pourra cependant regretter que la répétitivité rythmique appelée mise en place par ce groupe qui utilise le mot « global » à tout bout de champ, demeure constamment « sous contrôle ». Un ou deux départs en vrille, raclements de gorge (le chant parfois lassant) et un nettoyage par sablage (propret « Poseidon », deux remix inutiles) donneraient à ces joailliers malins des airs plus convaincants de baroudeurs versatiles.
Yannick Hustache