FREQUENCIES
Parmi les premières sorties du label Warp se trouve ce disque qui est à lui seul le résumé d’une époque, ses espoirs, ses illusions, ses erreurs et ses succès. Hymne d’une génération qui allait devoir apprendre à remplacer les raves, et leur sens de la fête collective et spontanée, désormais interdites au Royaume-Uni, par les clubs pour ceux qui pouvaient se permettre le prix d’entrée, ou par les disques pour les autres. Ce changement dans l’approche de la musique allait voir la musique électronique se diviser à nouveau entre la musique à danser et la musique à écouter. Mais à la parution de cet album on n’en était pas encore arrivé aux aberrations rassemblées sous le nom barbare d’intelligent dance music, et l’album penche toujours plus du côté du dancefloor que du papier peint. Fusion de la house et de l’acid avec des inspirations plus traditionnellement planantes, il est dédicacé par le duo, en introduction, aux « pioneers of the hypnotic groove » que sont Brian Eno, Tangerine Dream, Kraftwerk, Depeche Mode et The Yellow Magic Orchestra. Une manière de revendiquer l’éclectisme de leurs influences, et d’établir une filiation avec la Kosmische Musik et la technopop principalement européenne (YMO excepté) autant qu’avec la house de Chicago. Alternant hymnes electro et envolées ambient, le disque conserve un son qui se souvient des conditions dans lesquelles cette musique s’écoute normalement, et s’il fonctionne dans un environnement « domestique », il est en grande partie composé de basses prévues pour un volume de club ou de rave. Dans l’esprit de l’époque, le beat n’est pas un 4/4 régulier mais tire vers des rythmes électro et hip-hop, présageant le melting-pot que deviendra plus tard le breakbeat (et avec lui l’ensemble de la dance music anglaise).
Benoit Deuxant