Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Pointculture_cms | critique

PASSING IMAGES

publié le

Accordéon, trompette, alto et voix. C’est une musique d’apparence paisible, en communication télépathique avec l’âme norvégienne. Elle en sillonne l’aura résonnante comme une grande voûte blanche,

Accordéon, trompette, alto et voix. C’est une musique d’apparence paisible, en communication télépathique avec l’âme norvégienne. Elle en sillonne l’aura résonnante comme une grande voûte blanche,
étincelante. Ici des bouts de mélodies, des esquisses de danse, là des fragments de chansons. Mais ces éléments ne sont pas joués pour simplement exalter chants et danses du passé. La musique s’intéresse à ce qu’il y a à côté, en dessous, une matière première, une spiritualité universelle. À l’ombre portée par cet héritage, à l’énergie brouillonne, tantôt lascive, tantôt bouillonnante, souple ou brisée, qui y reste vibrante. Les différentes compositions ou évocations d’airs traditionnels tissent une sorte de cocon brumeux, suspendu dans lequel il fait bon se replier et retrouver des images, se fondre dans des paysages originels. Si le résultat est très propre et esthétique, cela n’empêche qu’il charrie à certains moments des forces archaïques, des imaginaires suggérés presque débridés, non canalisables. Il y a une surexposition mélancolique, légèrement corrosive, parsemée de points éblouissants qui peuvent aussi sembler de minuscules trous noirs, myriade de silences comme une étendue inquiétante. Ainsi, dans les moments contemplatifs de ce jazz cosmique, on flirte avec le new age sans jamais y tomber, une angoisse n’est pas évacuée du grain poli. En partie parce que le son des instruments reste très individualisé, lié à une condition de mortel.
Il faut souligner la variété et la finesse du jeu d’accordéon. Sa capacité à sculpter des volumes d’air, à les moduler en nuances de gris, comme un révélateur photographique d’images sonores en noir et blanc. Son aptitude à rassembler des bouffées de valse et à remettre la danse au centre du corps. Sa précision dans les petites phrases claires, flûtées, décentrées et sa détermination à laisser chanter les ratés, les mécanismes rouillés, le lyrisme lacunaire. Frode Haltli est un accordéoniste impressionnant et qui devrait s’illustrer sur des terrains diversifiés. À l’instar de sa compagne, Maja Ratkje, qui vocalise ici une sauvagerie agréable, aux accents traditionnels et gentiment tribaux, et qu’elle libère de façon bien plus radicale dans ces autres projets musicaux. Il est en outre difficile de caractériser ce CD sans évoquer de façon générale ce que l’on a appelé l’esthétique ECM.


Pierre Hemptinne
 

Classé dans