FROM THE MIND OF LIL LOUIS
Né en 1962 à Chicago, Marvin Louis Burns grandit entouré de neuf frères et sœurs au sein d’une famille où la musique a son importance. Son père, Bobby Sims, fut par ailleurs un guitariste réputé pour son travail pour le label Chess. Et le garçon de mettre très tôt le pied à l’étrier du DJ-ing (sur cassettes, à ses débuts) dès le milieu des années 1970. Et c’est sans doute à son aspect juvénile qu’il doit, après une prestation derrière les platines du River’s Edge Club, le sobriquet de Lil’ Louis (contraction de « Little Louis »). Pseudonyme artistique qu’il complétera régulièrement d’ajouts fictifs (& The Party, & The World… alors qu’il est seul à la barre) sans que la nature de son travail s’en trouve modifiée. Il devient également à la même époque propriétaire d’un club, The Future, où il développe son savoir-faire et ses techniques de DJ et producteur.
Il édite ses premiers travaux dans la deuxième moitié de la décennie 1980, période où la house, née elle aussi dans la métropole de l’Illinois, se mue en phénomène de masse dès le moment où elle touche les rives de la vieille Angleterre et devient acid (« aciiiid ») house. Née selon la légende dans un club chicagoan (The Warehouse – l’Entrepôt) qui lui a donné son nom, et où officiait un certain Frankie Knuckles, la house est une descendance pas si lointaine du disco au tempo rapide (entre 118 et 135 BPM) centrée autour d’un rythme minimal, d’une ligne de basse ronde dérivée du funk et de voix généralement samplées. L’arrivée sur le marché de matériels au moindre coût tels les séquenceurs et boites à rythme de la marque Roland (en particulier les modèles TR707, 808 et 909, ou encore la TB303) a grandement facilité son développement, qui se traduira par un tir groupé dans le haut des hit-parades. Précédé de quelques mois par les M/A/R/R/S (« Pump Up The Volume », 1987), S’Express (« Theme From », 1988), Black Box (« Ride On Time », 1989) et autres Technotronic (« Pump Up The Jam »), « French Kiss » déboule sur les platines la même année, auréolé d’un parfum de stupre (on entend distinctement, dans la seconde partie du morceau, une jeune (?) femme transie par le plaisir charnel), une outrance qui conduira à une diffusion régulièrement tronquée sur les antennes des radio. Mais au demeurant, From The Mind of Lil’Louis est parfois considéré comme un des premiers albums classiques de la house, même s’il occasionne maints détours vers le jazz (son père figure au casting du disque) et le R’n’B, reste marqué au fer rouge d’un groove clairement funky, et a un peu de mal à faire preuve d’unicité créative tout le long de son déroulé. Au rayon des bonnes choses, un « I Called U » d’entrée où notre homme doit trouver une échappatoire à une ancienne petite amie qui le harcèle au téléphone, mesures amusées de sax et piano (samplés) en sus. Plus loin, « Wargames » et son beat ultra-sec est un vrai missile pour dancefloor mâtiné d’un synthé joueur et d’un final étourdissant. Toujours sur le mode derviche tourneur « Nyce & Slo » est bâti sur une fausse dichotomie entre une basse rampante et un motif synthétique taquin. Enfin, placé en avant-dernière position, le chanté « Insecure » passe discrètement de la piste de danse au confort douillet d’une ballade synthétique qui pique un peu les yeux.
Depuis, échaudé par le four obtenu par son second album paru en 1992 (Journey With the Lonely), l’homme s’est replié vers son studio où il mène une seconde carrière moins exposée de producteur émérite. Et à voir les quelques pointures (R’n’B) qui s’y sont pressées (Babyface, Me’Shell Ndegeocello), on peut parler de reconversion professionnelle réussie.
Yannick Hustache