Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Pointculture_cms | critique

MA GRENA' ET MOI

publié le

La grena’ est le surnom que l’on a donné aux Antilles à la mythique mobylette de Motobécane. Son impact fut tel à une époque qu’on pouvait dire qu'elle faisait office de baromètre social. Le documentaire est le portrait des derniers irréductibles qui […]

La grena’ est le surnom que l’on a donné aux Antilles à la mythique mobylette de Motobécane. Son impact fut tel à une époque qu’on pouvait dire qu'elle faisait office de baromètre social. Le documentaire est le portrait des derniers irréductibles qui roulent encore avec cet engin et, par la même occasion, un joyeux instantané de la société guadeloupéenne.

Née au début des années 50 et importée aux Antilles dans les années 60, la grena', ainsi baptisée à cause de sa couleur, arrive à un moment charnière : le passage d'une période de restriction à une période préindustrielle. Robuste, fiable, simple d’utilisation et, surtout, brillante, les Antillais l’adorent et se ruent pour l’acheter car elle s’adapte extrêmement bien au contexte géographique et économique. Défiant les lois de l'équilibre, ils charrient avec elle tout ce qui peut tenir entre la fourche et le porte-bagages: un inventaire à la Prévert… Mieux qu’un bourricot, la grena’ est un signe extérieur de richesse et affirme la condition de son acquéreur qui l’affuble affectueusement d’un petit nom.

Au-delà d’un film sur cette fameuse mécanique, Gilles Elie Dit Cosaque brosse par petites touches le portrait d’une société au travers d’une cinquantaine de rencontres avec ces propriétaires. Anecdotes et témoignages se succèdent au moyen d’un montage rythmé avec des ajouts typographiques et une photographie très étudiée. Le dispositif est constamment le même et rappelle l'uniformité de l'objet, archétype de la production à la chaîne. La mobylette toujours placée de profil sert de fil conducteur entre les Guadeloupéens qui trouvent tout naturellement leur position par rapport à elle. Tels des cow-boys sur leur monture d’acier, ces anciens coupeurs de canne et ouvriers de distilleries la chevauchent fièrement pour un dernier voyage. Car, aujourd'hui, normes européennes obligent, la grena' n'est plus fabriquée, au grand désespoir de tout un peuple.

Ce « western » léger et poétique montre non seulement la place importante de cette Motobécane dans le patrimoine culturel et social antillais, mais il révèle qu’au-delà de l'objet en lui-même, quelque chose unit ces fidèles détenteurs, quelque chose qui est donné à ressentirplus qu’à voir: le constat d’une société et d’une époque, celle de la fin du XXe siècle dans les Antilles.


Catherine Mathy

 

Note : Le film a obtenu une mention au festival Vue d'Afrique 2004 à Montréal, le prix L. Kimitete 2004 au Festival international du film insulaire de Groix et a été sélectionné aux Escales Documentaires de la Rochelle 2004. Par ailleurs, le film a fait l’objet d'une exposition et d'un livre.

 

Classé dans