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Pointculture_cms | critique

AMOUREUS TOURMENT (L')

publié le

SÉLECTION DES MOIS DE JUILLET- AOÛT 2007 CD DU MOIS

« Très douce créature, comment se peut-il que vous, si parfaitement douce, soyez si dure envers moi, alors que je vous ai donné, entièrement et pour toujours, mon cœur, mon corps et mon amour ? Vous
me maintenez dans un état de langueur dont je crains de mourir.
Hélas, noble dame que j’aime et désire, c’est de vous que vient la douleur qui me fait languir. »
Ces quelques mots écrits aux alentours de 1350 situent le propos de ce que ce disque offre à entendre. Amour, joie et tourment pour le cœur, sentiments sur lesquels le temps ne semble pas avoir de prise. Loyauté que point ne delay de Guillaume de Machaut n’exprime pas autre chose que Je t’aime… moi non plus de Serge Gainsbourg. Bien sûr, la manière de le dire appartient à son époque mais cette manière, Georges Brassens ne l’aurait certainement pas désavouée: une ligne mélodique économe, tout comme l’accompagnement instrumental confié à la vièle et aux flûtes, portent la voix et son message universel. Sous des traits épurés, les trois interprètes nous font découvrir la sensibilité particulière de la société féodale au travers d’une pastourelle anonyme du XIIIe siècle, d’une ballade de Jehan de Lescurel et d’un lai anonyme du XVe siècle. Par-delà les moyens d’expression propres à chaque époque, les sentiments humains nous atteignent dans notre XXIe siècle avec une acuité confondante.
Poète et musicien, à la fois homme de cour et homme d’église, Guillaume de Machaut fut aussi homme de cœur, comme le répètent inlassablement ses lais, virelais et autres ballades.
Devant l’ampleur de Loyauté que point ne delay (près de 35 minutes), se pose la question du temps dans la pensée médiévale. Les interprètes ont eu l’audace de proposer à l’auditeur de faire l’expérience hypnotique de cette répétition pouvant conduire à une sorte de transe. Nous goûtons ici au temps tel que le conçoit l’homme du Moyen Âge qui rythme ses activités au fil des saisons, au gré de la lumière solaire, au son des cloches.
Doit-il mesurer le temps ? Il compte les battements de son cœur, organe de vie et siège des sentiments, principal protagoniste de cet enregistrement. Cette double dilatation, tant charnelle q nous fait percevoir cette étincelle d’éternité que tente de cerner le mot «toujours» qui, nous le savons, rime avec « amour ». [retour]
Anne Genette

 

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