ARCHANGEL
1917, la guerre s'éternise dans Arkhangelsk, ville de Russie, où
des lambeaux d'armées venues de tous les coins du monde, luttent contre
l'avancée bolchevique.
Mélodrame de l'oubli dans une cité givrée où des
troupes amnésiques mènent une guerre éternelle. Un soldat
unijambiste jette à la mer une urne funéraire... La vision d'âmes
mortes qui vagabondent perturbe la logique du spectateur en insinuant le doute
dans sa perception du récit. Des corps, des visages marqués par
la mort, les plaies des combats, les maladies, le deuil d'enfants orphelins
qui cherchent un endroit où se reposer, tournent dans les yeux du monde.
Les décors se découpent en théâtres d'ombres; la
nuit est une matière vivante qu'on peut toucher, malaxer, peindre en
signes, puis fondre dans la solution du jour. Une avalanche de lapins s'abat
sur les tranchées, image surréaliste où la douceur des
bêtes se mêle à la rugosité de la terre. Le noir devient
magenta, bleu, jaune, blanc cerné d'un halo poudreux. La quête
absolue d'un homme à la recherche d'un amour perdu dans le labyrinthe
de ses souvenirs transforme l'histoire en charade qui laisse perplexe. Film
d'une grande élégance formelle, presque délicat malgré
son imagerie, et d'une sensibilité poignante.
En bonus du DVD, voir le court métrage The heart of the World
où se trouvent condensées, dans un accéléré
époustouflant soutenu par une musique de film de propagande soviétique,
les facettes des films de Guy Maddin.