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Pointculture_cms | critique

GET COLOUR

publié le

Deux groupes dont les noms peuvent prêter le flan aux dérives langagières les plus triviales ou absconses, mais dont le goût avéré pour les précipices rythmiques et soudaines remontées bruitistes les fait illico glisser de la case « amusants » à celle […]

 

 

 

 

 

 

 

 

Deux groupes dont les noms peuvent prêter le flan aux dérives langagières les plus triviales ou absconses, mais dont le goût avéré pour les précipices rythmiques et soudaines remontées bruitistes les fait illico glisser de la case « amusants » à celle de « stupéfiants ». Le bruit n’est pas une addiction comme les autres…

fbEn argot, Fuck Buttons signifie clitoris. Si le port d’un nom « ridicule » n’a jamais été un frein à l’édification de carrières (Smashing Pumpkins, Wedding Present…) et que l’honni ensemble de quatre lettres a même fini par constituer, au fil du temps et par extension, une catégorie musicale particulière (Fucked Up, Holy Fuck et même un groupe pop lo-fi simplement nommé… Fuck!), ce mot plus rapidement compris qu’écrit, n’empêche plus personne de ronfler depuis des lunes, même s’il donne encore lieu dans les médias anglo-saxons à quelques belles floraisons de symboles typographiques (* @ & tuut…). Pourtant, à le considérer comme une entité, le duo anglais Fuck Buttons est presque un aptonyme qui illustre de façon parlante la manière dont il se comporte avec ses instruments – pardon, machines. En marchepied de « Tarot Sport », « Surf Solar » s’ouvre sur un cumulus bourgeonnant de textures synthétiques poussé par un vent d’origine (Animal) Collective, avant qu’une ricanante rythmique électronique alliée à de fortes remontées ascendantes noisy ne le gonfle en dépression stratosphérique à la longue traîne (près de 11min). Le fond de l’air suinte du râle décati d’une ingénierie sonore traitée avec un profond irrespect, savamment pervertie de pédales d’effets goulues, et sur laquelle plane la menace sourde de toms (de batterie) violentés avec un sadisme consommé. Sur scène, ça prend les airs d’un authentique match de ping-pong d’une ère atomique de phase II (merci encore à l’Iran et la Corée du Nord pour le regain de tension internationale!), mais à la différence de ses cousins yankees de Black Dice ou Wolf Eyes, Fuck Buttons ne se montre, même au cœur de la mêlée, jamais disposé à lâcher la bride de la mélodie. Sur le précédent,« Street Horrrsing »(2008) et premier disque du duo se nichait un époustouflant « Bright Tomorrow » où, à travers les tirades mégaphonées (dans un microjouet) de l’un des protagonistes (Benjamin J. Power) et les reliquats d’un shoegaze cramé des enceintes (pop planante, saturée et truffée d’effets qui eut son heure de gloire à l’aube des 90’s avant de se muer en serpent de mer du rock indie), remontait le spectre d’un thème musical archétypal brouillé, mais au pouvoir d’envoûtement intact. Cette improbable greffe Prurient/Boards Of Canada a reçu, sous la direction d’Andy Weatherall (pionnier du rhizome dance/rock avec Two Lone Swordmen et producteur de marque) de nouvelles impulsions qui vont dans le sens d’un léger élagage des aspérités dissonantes, mais d’un resserrement certain au niveau de la cohérence interne. Architecturé pour être écouté d’une traite, « Tarot Sport » fait aussi ressortir l’aspect incontestablement hédoniste d’une musique en porte-à-faux sur la marge tranquille et un début d’acceptation grand public. « Rough Steez » aurait pu être leur sésame pour le label Warp (un zeste d’industriel en sus) et « The Lisbon Maru » déborde M83 sur son propre terrain de jeu electro 80’s en se chargeant de scansions tribales et de couleurs psychédéliques. « Olympians » ouvre et referme une longue parenthèse (10minutes) qui remet « l’aciid » et « Madchester » en habits de 2009/2010, avant une suite (redoutables « Phantom Limb » et « Space Mountain ») construite sur le mode: expérimenter en s’amusant ! Un ange prog’ passe et annonce une conclusion (« Flight of The Feathered Serpent ») en forme de tourbillon de synthèse. Joli sas de sortie !

healthMoitié plus court, « Get Color », deuxième album (itou) des Américains de Health défend à bras-le-corps un rock fiévreux et distordu qui contraste singulièrement avec l’idée de bonne santé et de prospérité suggérée par son appellation. Hype de six mois à l’époque de son premier disque éponyme (2007), le quatuor U.S. campait un épigone lo-fi et roublard de Fantomas, qu’une collaboration avec les surfaits Crystal Castles et la sortie d’un album faux jumeau (Disco, composé de remixes) avaient entaché d’un soupçon d’opportunisme. Mais, à l’image de la dominante noir/vert/rouge de sa superbe pochette, Health a appris à marier les contrastes tout en maintenant intactes les lignes de fractures. Alliant le toucher de forgeron d’un batteur homme-pieuvre aux stridences (electro) noisy d’un combo qui ferait passer The Liars pour un trio disco, le tout sur fond de shoegaze à l’américaine (« A place To Bury Strangers ») - où éthéré se jumelle très bien à énervé - Health submerge et désarçonne dans ses attaques soniques, à la fois frontales et entêtées, riches en tours et détours, où la folie guette sans que la raison ne s’en trouve exclue. Et s’incruste par l’entremise de voix angéliques (exit les cris de goret) posées là comme indifférentes au chaos ambiant. Des agrégats mélodiques préchansonniers filent à tout rompre sur des trajectoires quantiques mais, au final (« In Violet »), regagnent leur nid dans une ultime parade vibrante et inquiète (Autechre chez Trans-Am ?).

Yannick Hustache

Sélec 8

 

 

 

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