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Pointculture_cms | critique

DIASPORAS

publié le

Il a joué avec ArthurH., Vincent Delerm, Amadou & Mariam, Lhasa… Libanais réfugié en France, son père a été élève de Maurice André et lui-même suit une sérieuse formation classique occidentale tout en assimilant la richesse de la culture musicale […]

Il a joué avec ArthurH., Vincent Delerm, Amadou & Mariam, Lhasa… Libanais réfugié en France, son père a été élève de Maurice André et lui-même suit une sérieuse formation classique occidentale tout en assimilant la richesse de la culture musicale arabe du côté de ses racines familiales. C’est dire l’étendue des registres qu’Ibrahim Maalouf peut embrasser, se jouant des frontières et donnant l’impression bluffante qu’il peut tout faire avec sa trompette. Une excessive « facilité » qui façonne avant tout un son humaniste, agréable, fluide, délié. Avec un je-ne-sais-quoi de techno, comme une touche discrète de narcissisme technologique. Capable de voler sans heurt d’un genre à un autre, en douceur, comme un majestueux oiseau migrateur porté par les vents d’altitude. Au carrefour de toutes les cultures musicales, encore faut-il que ce jeune surdoué ne tombe pas dans les pièges du facile. Sous des dehors très simples, c’est avec une certaine rigueur qu’il se fait voluptueux pour jouer à cache-cache dans des décors orientaux et leurs mirages; volubile et poétiquement speedé pour puiser les tensions positives travaillant les grands brassages urbains; accidenté et légèrement acide pour épouser certaines modernités, exalter la recherche de l’altérité, s’essayant à une esthétique modérément heurtée. Mais l’ensemble reste toujours «rond» et chaud, ronfle et ronronne, rayonnant aussi bien à l’ombre d’Om Kalsoum que du hip-hop tentaculaire. Son projet se veut accueillant, voire reconnaissant. Sa musique turbine en trio, avec Alex Mc Mahon aux traitements électroniques et François Lalonde aux percussions, dans une dynamique souple, transformiste où les accents orientaux, lascifs se marient bien avec un léger ressac de dance floor. La trompette quitte parfois sa narration mélodique cool et « fusion » pour montrer très haut, trop haut, grisée par une éphémère exhibition de virtuosité (juste esquissée, jamais tapageuse), où elle semble se démultiplier et dialoguer, un brin schizophrène et comme envahie par une nostalgie qui la dépasse. Nostalgie sans nom, millénaire, sans issue autre que ces chansons-trompettes de transit, « roots & dance », riche de plusieurs identités.

Sur chaque plage, la coloration est soignée en accueillant d’autres instruments qui accentuent les facettes multiculturelles et exaltent un certain esprit de diaspora positivée : violons, bendir, oud… Belle course-poursuite avec le thème exotique de Night in Tunisia, parmi les klaxons et aléas d’une circulation vaguement anarchiste, pour célébrer l’empreinte d’un grand du jazz. Dans une dynamique clubbing facétieuse, avec quelques flambées spectaculaires, débitées en hommage à Gillespie.

Les sons contextuels (métro, rues) sont utilisés ici ou là, intégrés proprement à la trame musicale, avec l’intention de signifier que ce métissage est inventé ici, est une musique d’ici, est fait de traces orientales dans un environnement occidental, d’impacts occidentaux au cœur d’un héritage arabe. En résonance avec la manière dont ces bruits du quotidien rythment la vie, hantent l’imaginaire sonore, transportent et connectent des mémoires différentes en une sorte d’aura collective.

Tube trompette de l’été 2008.

Pierre Hemptinne

 

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