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Pointculture_cms | critique

WAR ROOM (THE)

publié le

La campagne électorale présidentielle américaine vue et ensuite revue de l’intérieur depuis un endroit-clé, une zone névralgique. C’était il y a 18 ans. Depuis, tout a changé ou … si peu !

 

 

 

La campagne électorale présidentielle américaine vue et ensuite revue de l’intérieur depuis un endroit-clé, une zone névralgique. C’était il y a 18 ans. Depuis, tout a changé ou … si peu !

En 1992, George Bush père est intimement convaincu que le fauteuil présidentiel de la Maison Blanche l’attend pour un second mandat. Il est le vainqueur de la première guerre du Golfe (1990-1991) et son parti (le Grand Old Party, soit les républicains) peut s’appuyer sur des soutiens et ressources financières qui font défaut à leurs adversaires traditionnels, les démocrates. Mais les U.S.A. peinent à sortir de la récession économique et un candidat inattendu (le milliardaire Ross Perot) vient rappeler sèchement aux républicains la promesse non tenue de ne pas lever de nouveaux impôts. Une situation de laquelle un challenger démocrate providentiel compte tirer parti, le gouverneur de l’Arkansas, Bill Clinton.

Et c’est depuis l’intimité bouillonnante d’un QG de campagne d’un type nouveau et à travers les portraits de deux de ses animateurs-clés que D.A. Pennebaker (101, Primary…) et Chris Hegedus relatent quelques moments essentiels d’une campagne électorale encore fraîche dans les mémoires (les principaux acteurs sont en vie et/ou n’ont pas entièrement disparu du paysage médiatique et les contextes politiques et économiques d’alors sont, dans une certaine mesure, toujours d’actualité), la dernière d’avant la généralisation du téléphone portable et l’irrésistible et exponentielle montée de l’Internet.

war roomAu sein de cette War Room où un « crew » travaille 24 heures sur 24 dans l’ombre du candidat Clinton, la caméra s’attache tout particulièrement au duo George Stephanopoulos/James Carville, tout en esquissant de façon concentrique et par touches légères le portrait d’une équipe dont les liens se renforceront à mesure que les enjeux gagneront en importance. Le premier, directeur de la communication, est du genre yuppie et beau gosse dont le naturel télégénique est parfois dans le feu de l’action, surpris en flagrant délit de doute ou d’émotion débordante: tantôt, c’est une minuscule larme (de bonheur) qui perle sur le bord de l’œil, tantôt c’est un visage aux traits imperceptiblement tendus sous l’effort ou en lutte avec l’angoisse « de ne pas y arriver ». Le regard pétillant malgré des yeux que l’on devine à peine, la calvitie bien avancée et le parler mitraillette constellé d’expressions langagières qui n’appartiennent qu’à lui, James Carville endosse son ministère de responsable de la stratégie dans une apparente désinvolture (il porte des pulls aux motifs et coloris impossibles) qui contraste avec un professionnalisme saisissant combinant fines analyses politiques instantanées et réactivité immédiate. Les deux hommes travaillent de concert et semblent se vouer un respect sincère, au beau milieu d’un groupe tout entier focalisé sur son projet: amener un quasi-inconnu (à l’échelle du pays) à l’investiture démocrate et ensuite dans le bureau ovale de la Maison Blanche.

La tâche s’avère titanesque. Sitôt les primaires démocrates lancées dans le New Hampshire qu’une histoire d’infidélité (ce ne sera pas la première!) vient se mêler à la campagne naissante. Il s’agit, au sein The War Room d’initier dans l’instant une réponse médiatique probante et d’inventer une stratégie de communication, innovante et solide, qui puisse parer à toutes les situations et répondre au coup par coup, quitte même à anticiper leur survenance. Les efforts paient et Bill Clinton, malgré les plâtres qu’il essuie par pans entiers et qui finiront par lui conférer une ténacité politique élastique à toute épreuve! Son portrait est brossé dans les grandes lignes, mais le saxophoniste aux 1001 aventures sentimentales prêtées est davantage un prétexte et une couleur de fond, que le point focal vers lequel convergent toutes les lignes de fuite de ce documentaire, un motif thématique qui gardera jusqu'au bout (et encore aujourd'hui) sa part de mystère, que le sujet central d'un film qui s'attache bien plus aux concepteurs et rouages d'une machine médiatique en train de s'inventer et de se roder sous nos yeux. On n'a beau ne pas connaître tous les protagonistes en lice dans cette lutte électorale sans merci (c’est inutile), à peine remarquer le départ de l'équipe pour Little Rock fief de Clinton en Arkansas, on assiste par étapes successives à l'irrésistible triomphe d'un challenger depuis une mini ruche humaine où la fébrilité le dispute à une foi sans faille (même si forcément, des moments de flottement fusent parfois). Dans un système politique qui place l'homme (ou le politicien) bien au-devant des partis, idées et programmes, il s'agit de rebondir à la moindre perche tendue – si possible involontairement - par l'adversaire (la petite phrase « lisez sur mes lèvres, pas d'impôts nouveaux ! » qui fut fatale à George Bush Sr), de préparer les interventions télévisées avec minutie, ou d'engager toute sa famille dans ce combat (Hillary Clinton et sa fille seront de tous les meetings à ses côtés). La victoire sera au bout de la route, Bill Clinton sera le seul démocrate à rempiler pour un 2nd mandat depuis Franklin Roosevelt. Et dans le for intérieur du spectateur, l'étrange impression que l'arène électorale U.S. présente d'étranges similitudes avec un ring de boxe, avec dans ce cas-ci, George Stephanopoulos et James Carville comme coach et entraîneur ! Du beau spectacle !

En 2008, en plein duel Barack Obama/John McCain, Pennebaker et Hegedus retrouvent les principaux protagonistes de The War Room qui ont plutôt bien vieilli. Carville, universitaire et père tranquille, révèle un secret qui n'avait jusqu’à là jamais porté à conséquences: il entretenait une liaison cachée avec son alter ego (féminin) républicain avec laquelle il s'est ensuite marié. Ils passent en revue les étapes décisives de la campagne présidentielle 1992, reviennent brièvement sur l'échec du candidat Kerry en 2004 et, montrent, exemple(s) You Tube à l'appui, les nouveaux enjeux défis de la communication politique. Dans un contexte étonnement semblable – récession économique, guerres au Proche et Moyen Orient, lourd héritage de l'ère Bush fils (...) – et des outils technologiques entièrement nouveaux, le concept même de War Room s'impose comme un work in progress aussi incontournable que difficile à définir et à mettre en place...

De la sociologie politique appliquée au pied de la lettre !

 

Yannick Hustache

 

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