ÉCHELLE 49
La vie passionnante, tumultueuse, sentimentale et héroïque des
pompiers du poste de Baltimore, racontée en flash-back par Jack, sapeur-pompier
expérimenté, blessé et coincé dans un spectaculaire
incendie.
Cuir, latex, caoutchouc, casque brillant en métal, tenues mouillées
sentant bon la fumée, ciel brûlant, buildings perçant le
ciel de leurs cimes rougeoyantes, lances à eau fièrement dressées
d'où s'échappe l'eau en gerbes puissantes, barre métallique
lustrée que les hommes étreignent pour descendre au plus vite
là où les attendent leurs beaux camions rouges… firemen
! Le danger omniprésent qu'il faut affronter en équipes
soudées comme dans les mêlées de rugby, poussées
par le devoir, cristallise le courage, l'abnégation, l'inconscience,
l'esprit de corps des pompiers de Baltimore. Le feu dévore tout, provoque
la fuite éperdue des proies humaines talonnées par une mort certaine.
Le bruit infernal, cousu de crachotements d'émissions radio, de hurlements,
de sirènes, d'effondrements… explose sur la bande sonore. Avant-goûts
de fin du monde. Le silence. La vie de tous les jours passe avec son cortège
de petites misères, de bonheurs simples, familiaux. Persiste au loin
la musique des rues, la musique du quotidien. Temps mort. Le capitaine blanchi
sous le harnais rassure ses hommes en proie au doute après la mort d'un
compagnon et leur parle doucement, fermement, d'une voix rendue sourde par l'abus
de tabac et d'alcool. Bizutage bon enfant d'un bleu que tout le monde accueille
en riant avec de grandes claques dans le dos, après qu'il se soit publiquement
confessé à un faux prêtre.
Ah ! ces camions qui jaillissent du porche de la caserne toutes sirènes
hurlantes, fonçant dans la nuit… Bien sûr, si vous ne parvenez
pas à remonter la fermeture à glissière de votre veste
sans la coincer, si vous enfilez vos chaussettes à l'envers, si vous
ne savez pas ouvrir un paquet de biscuits sans les casser, si le vertige vous
accable dès que vous montez sur une chaise, ce métier n'est pas
pour vous ! Petites respirations dans ce film riche en adrénaline
et dégagements toxiques : drague torride entre deux pompiers et
deux ménagères, dans un centre commercial, au rayon frais et conserves :
présentation (un des pompiers) : « je tiens la lance
pour éteindre le feu » cool… Humour potache bis :
une oie dans la penderie, un bleu bis qui confesse au faux prêtre qu'il
est homosexuel. Après un mariage catholique entre Irlandais, soûleries
fraternelles à coups de cocktails « Irish Car Bomb »
dans un pub irlandais (tous les pompiers de ce film semblent catholiques et
irlandais). Conseil nuptial qui fait mouche : « elle n'est pas
assez longue déroule-la ! » Travolta (le capitaine) joue
consciencieusement. Le couple fraîchement uni part sur… un camion
de pompier ! En contre-point, un thème musical inspiré de
la musique de Titanic annonce un drame. Nouvel incendie. Oh ! le claquement
des baudriers qu'on ajuste, des haches qui heurtent la ceinture, le choc sourd
des casques au sol, le grondement des flammes, les étincelles crépitant
en tous sens, l'explosion des matières portées à incandescence…
Coucher de soleil aux couleurs radieuses à l'horizon de Baltimore. Pour
Jack, notre sympathique héros, les années passent. Un garçon,
une fille naissent venant combler le couple d'un bonheur idéal. Mais
cruel, le Destin veille…
Ce film réalisé efficacement laisse peu de place à l'esprit
critique du spectateur emporté par un torrent d'images spectaculaires
et de sentiments un peu niais mais qui font mouche. Apologie du beau métier
d'homme du feu, très dangereux (on s'en doute !), exigeant un esprit
de sacrifice hors du commun, de l'instinct de conservation, de l'abnégation,
de la solidarité, mais qui vaut le coup car on sauve des vies et après
on se sent très fiers. Difficile de concilier vie professionnelle exigeante
et vie de famille. L'épouse et les enfants ont peur que papa ne rentre
pas, mais il est tellement beau en uniforme ! Et aussi, il sauve des enfants
en traversant une apocalypse de flammes sur fond d'illuminations de Noël !
Épilogue : un enterrement plein de grandeur et de pompe, hommage
au mort qu'on célèbre. Les bannières claquent au vent,
les uniformes rutilent, les visages, mâchoires serrées, gardent
leur dignité. C'est à peine si une larme perle sur l'une ou l'autre
joue. la veuve est belle, très désirable dans la douleur qu'elle
refoule. Les enfants ne pipent mot. Le cœur gros, les cornemuses sonnent
à tous les échos. Le spectateur étouffe un sanglot et sort
en cachant son chagrin.
PC