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Pointculture_cms | critique

EXHIBITION

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Depuis que le monde est monde, les différentes formes d'expression artistique ont toujours servi d'écrin à l'érotisme et à la pornographie. Le cinéma n'y a, bien sûr, pas échappé.

 

 

Depuis que le monde est monde, les différentes formes d'expression artistique ont toujours servi d'écrin à l'érotisme et à la pornographie. Le cinéma n'y a, bien sûr, pas échappé.
Des premiers films de bordel (cf. l'anthologie Polissons et Galipettes) aux indigestes successions de clips de l'industrie pornographique contemporaine, le sexe a toujours été représenté à l'écran de façon plus ou moins réussie (bien que le moins prime la plupart du temps, il est des exceptions qui confirment la règle, et elles sont plus nombreuses qu'on ne pourrait le croire).

En 1975, au cours du tournage de « Change pas de main » de Paul Vecchiali, le producteur du film, Jean-François Davy, qui n'a jamais caché sa fascination pour les scènes de sexe non simulées, se rend sur le plateau pour réaliser une sorte de making of avant l'heure. Parmi les figurants, il remarque immédiatement Claudine Beccarie, l'une des premières hardeuses françaises, dont la présence et la gouaille donnent envie au réalisateur de lui consacrer davantage de temps (en tout bien tout honneur).
Un premier entretien en marge du tournage de « Change pas de main » donnera lieu à plusieurs échanges au cours desquels Claudine Beccarie se dévoile sans fausse pudeur, répondant du tac au tac aux questions de Jean-François Davy. Bourrée de contradictions, notamment lorsqu'elle parle de son métier, car elle refuse l'étiquette «porno», elle fascine autant qu'elle agace et demeure néanmoins touchante de franchise et d'une certaine intégrité.

Cinéma-vérité d'un genre nouveau, « Exhibition » est présenté au Festival de Cannes en juin1975 dans le cadre de Perspectives du Cinéma français. Le succès est évidemment immédiat puisque, sous couvert de documentaire, le film présente bon nombre de scènes de sexe non simulées (dont une scène de masturbation qui est depuis - et sans mauvais jeu de mots - rentrée dans les annales), permettant aux intellectuels post-soixante-huitards de se rincer l'œil sans en avoir l'air, puisque le film est alors classé « Art et Essai ».

En octobre, le film est présenté au New York Film Festival où il a droit à une standing ovation, puis au festival du film de Los Angeles en janvier 1976.

Entretemps, le législateur français crée la classification X. Les films entrant dans cette catégorie ne bénéficient désormais plus d'aucune subvention de l'État, sont davantage taxés que les autres et relégués au ghetto des cinémas pornographiques qui ne font dès lors plus partie du réseau traditionnel des salles de cinéma. À son entrée en vigueur au 1er janvier 1976, c'est le film « Exhibition » qui écope le premier de la classification X, mettant un terme brutal à son exploitation: d'un commun accord avec son distributeur, Jean-François Davy décide d'en stopper net la projection plutôt que de confiner son film au réseau des salles spécialisées où il n’aurait, de toute évidence, pas eu sa place : qu'est-ce qu'un documentaire irait faire dans un cinéma porno?

Déclassé « Art et Essai », le film semble alors avoir terminé sa courte et flamboyante carrière.

 

1C'est sans compter avec l'arrivée de Jack Lang au gouvernement quelques années plus tard: suite à plusieurs entretiens avec Jean-François Davy en 1982, le Ministre de la Culture retire au film ce X qui l'avait mis à l'agonie, lui rendant le label « Art et Essai ». Pour la nouvelle sortie d'Exhibition le 13juillet 1983, le réalisateur ajoute quelques images plus récentes de Claudine Beccarie : extraits de « Exhibition 79 », les entretiens effectués quatre ans après le tournage initial montrent une jeune trentenaire qui élève des lapins dans sa ferme, arrondissant ses fins de mois difficiles en faisant du strip-tease forain. En 1983, on la découvre mère de deux enfants, vivotant dans des conditions extrêmement modestes. Le X et les strip-teases font définitivement partie du passé, tant et si bien qu'elle va même jusqu'à renier la nature réelle de ses activités d'antan.

Suite à cette dernière rencontre, Jean-François Davy perdra de vue l’ancienne star du X devenue épicière dans la Sarthe.

Bien qu’il puisse paraître daté comparé au porno contemporain, « Exhibition » reste un documentaire absolument exemplaire sur les coulisses du cinéma pornographique, au même titre que les récents - et passionnants - Inside Deep Throat et L’Âge d’Or du X. Le bonus « Autour d’Exhibition » regroupe images d’archives et entretiens avec différents intervenants, dont Jean-François Davy, pour replacer le film et le cinéma pornographique en général dans son contexte historique et social.

Nul besoin d’être voyeur ou vicieux pour apprécier Exhibition à sa juste valeur (ceux-là risquent d’ailleurs d’être déçus) : il suffit de faire preuve d’un peu de curiosité… et d’une certaine ouverture d’esprit !

Catherine Thieron

 

 

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