CHEZ HERRI KOPTER
« Protection, consolation, satisfaction, relaxation, jouissance,
aliénation, décoration intérieure, oubli, musique, son,
contrefaçon, diversion, investissement, divertissement, dissertation,
volupté, rêve, identité, sécurité, image…
Bref ! À peu près tout et rien ! ».
Avec la légèreté du travailleur de fond dans les galeries
souterraines de son univers ouaté, Jérôme Minière,
Orléanais de terre, Montréalais de cœur, nous plonge dans
les strates cotonneuses de l'électro-pop consumériste. Toujours
sur sa planète, Le petit cosmonaute (2003) rejoint à
nouveau le label La Tribu pour nous faire partager une plongée dans les
affres des circonvolutions oniriques d'un brouilleur de piste. Herri Kopter
(pseudo de notre électronicien bidouilleur) nous prend la main pour parcourir
les travées de son grand bazar. Tout comme Baudelaire mettait en garde
ses lecteurs, celui-ci pose le ton. Avertissement : «
La supervision des parents est recommandée, marketing explicite ».
Chez Herri, le bonheur est à portée de main, l'imagination est
reine et le client, notre Dieu. Tout y est gratuit, l'entreprise rentable puisque
l'imaginaire ne prend que peu d'espace physique et ne coûte presque rien.
Ainsi naît, pour ce quatrième album, après deux premiers
signés chez Lithium Le monde pour n'importe qui , en 1996, et
La nuit éclaire le jour (réalisé en compagnie
de Robert Langlois), l'air-de-ne-pas-y-toucher, un contre-pied pamphlétaire,
caricature élégante, percutante d'un observateur critique, hésitant
entre moquerie, affliction et affection pour l'aliénation consumériste.
D'un trait noir et sarcastique, Jérôme Minière, à
la une de la presse québécoise, acclamé sur les scènes
allemandes, boudé à Paris, nous dissèque avec une ironie
aigre-douce la sémantique commerciale à coups de slogans ‘tubesques'
comme If you don't buy you die . Par son approche décalée,
ses mélodies « charmeuses » où cohabitent
synthés vintage, électronique, et guitares acoustiques mais aussi
les voix-off et autres bandes-annonces enregistrées façon « magasinier »
et sa voix au flow fragile (à faire pâlir Dominique A), il nous
vendrait « bien emballés » ses meilleurs amis,
étant d'ailleurs, les meilleurs produits dans leur catégorie !
(Comme Lhassa, Jerry Snell et Li Chun Ho, J. Christ collaborant à cet
album concept). Dans un inventaire dadaïste où, dieu merci, tout
peut s'acheter, même Dieu, Jérôme Minière met le doigt
sur nos comportements socialisés, labellisés, estampillés
au sceau du grand ordinateur mercantile. Il dresse une cartographie des désirs,
des déprimes de nos sociétés démocratiquement développées.
Radio-graphies pince-sans-rire de nos identités modernes où l'alternative
pourrait être « consommer… avec conscience ! ».
L'imaginaire sans retenue.
BL