QUATUOR CORDES 1-3
L’événement discographique de l’année 2006, pour les amateurs de classique, aura été l’exhumation des quatuors de Kalliwoda par le Talich. Ils méritent réellement une audience plus large.
Kalliwoda est né à Pragues en février 1801 et ses études musicales le révèlent interprète brillant et compositeur doué. Préférant la « stabilité de l’emploi aux aléas de l’artiste libre », selon la formule consacrée, il fera carrière comme maître de Chapelle. C’est-à-dire musicien de cour et d’église, travaillant essentiellement sur commandes. Il ne ménagera pas son inspiration, explorant toutes les formes musicales de son époque, testant toutes les possibilités, se frottant à toutes les influences. C’est peut-être ce statut de musicien officiel qui le condamne à l’oubli, l’histoire choyant les individualités atypiques brillant en-dehors des conventions. C’est probablement pour la même raison, la fonctionnalité de l’expression, qu’un peintre comme Philippe de Champaigne est escamoté jusqu’à une rétrospective, en l’occurrence à Lille, qui en rappelle l’importance et le savoir-faire exceptionnel. Pas de révolution musicale chez Kalliwoda, mais précisément un savoir-faire impressionnant, émouvant, savoureux qui illumine l’ouïe du mélomane. L’inventivité n’est pas l’exclusivité de quelques génies sortant du lot ni l’ennui le lot systématique des seconds couteaux ! Loin de là. S’il est difficile de prétendre comme l’écrit Famintzine (commentateur classique sur Internet) que la musique des quatuors de Kalliwoda « ne ressemble à rien de connu », le problème, en fait, n’est pas là ! Comme s’il fallait n’avoir aucun élément commun avec d’autres compositeurs pour être valable! Il y a toujours selon les époques des airs et des structures, des figures de style reflétant l’état momentané de la question « c’est quoi écrire de la musique aujourd’hui ? », qui circulent et créent un jeu de miroir palpitant entre les œuvres d’une même période. Kalliwoda est loin d’être un quelconque suiveur. Clarté des idées et vivacité personnelle sont au rendez-vous, avec de l’audace et ce jaillissement des mélodies dans leur évidente simplicité. Certains mouvements, à écouter en premier, sont de véritables perles, rehaussées d’un brin de folie, ainsi l’Adagio du premier Quatuor et ses pizzicatos, ou le troisième mouvement concertant du deuxième Quatuor. C’est bouillonnant d’humeurs facétieuses, de liberté et de trouvailles réjouissantes. Il y a tout ce qu’il faut pour s’oublier avec ravissement dans les cordes de ce compositeur longtemps éclipsé.
Pierre Hemptinne