TARNATION
Tarnation est l'œuvre d'un seul homme, Jonathan Caouette. Et
pour cause, son film c'est sa vie ! Cette affirmation est à prendre
au premier degré. Car Tarnation n'est pas une fiction, mais
une autobiographie. Dès l'âge de onze ans, il va filmer son quotidien
chaotique. Armé de sa caméra super-8, il va accumuler plus de
cent soixante heures de matériel visuel et sonore qu'il montera plus
tard pour donner le résultat que voici. Ce long métrage se présente
sous la forme d'un patchwork chronologique de son existence peu enviable. Il
y assemble photos de famille, films amateurs et prises sonores diverses, jouant
sur les effets de montages pour traduire au mieux son malaise. Né sans
avoir connu son père, il sera élevé dans plusieurs familles
d'accueil, subissant divers sévices moraux et physiques. Très
tôt enlevé à sa mère, à l'état psychologique
plus que précaire, il grandira dans un monde de cris et de souffrances.
Tout au long de ces nonante minutes de paranoïa, Jonathan Caouette évoque
tour à tour son admiration pour la culture gay et underground, la relation
intense qu'il entretient avec sa mère et ses talents pour la comédie.
Influencé dès son plus jeune âge par le cinéma underground,
il y puisera l'inspiration pour ce film où les images défilent
comme autant de blessures indélébiles. La structure spasmodique
de l'ensemble révèle au public l'angoisse et la détresse
légitime de son auteur. Au fur et à mesure que les séquences
se succèdent, il se crée entre le réalisateur et le spectateur
un lien intime et perceptible. Tout aussi exhibitionniste que narcissique, Tarnation
captive par l'instantanéité de son regard et de la réalité
qu'il brave. À noter que cet autoportrait au budget ridicule - 218
dollars US - a été produit par Gus Van Sant.
(Michaël Avenia, Liège)