Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Pointculture_cms | critique

ORIENT-OCCIDENT 1200-1700

publié le

Le programme est clairement annoncé : « Dialogue entre les musiques instrumentales de l’ancienne Espagne chrétienne, juive et musulmane, de l’Italie médiévale et celles du Maroc, d’Israël, de Perse, d’Afghanistan et de l’ancien Empire ottoman. »

Le programme est clairement annoncé : « Dialogue entre les musiques instrumentales de l’ancienne Espagne chrétienne, juive et musulmane, de l’Italie médiévale et celles du Maroc, d’Israël, de Perse, d’Afghanistan et de l’ancien Empire ottoman. »
C’est un ensemble musical fait de passerelles aériennes ou souterraines. Passages entre les traditions orales et écrites, entre les membres de la famille des instruments à cordes frottées d’Orient et d’Occident, entre les airs à danser et les airs à méditer, entre des airs de cours et des mélodies populaires, entre des siècles et des pays, entre les sensibilités juives, chrétiennes, musulmanes. C’est un millefeuille de dialogues. Luth, lyre, psaltérion, vièle, guitare mauresque, tablas, bendir, tulak… Tous les instruments, chargés de leur histoire, de leur particularité, s’enflamment, rivalisent d’éloquence et de courtoisie, pratiquent l’hospitalité.
Le propos n’est pas d’affirmer que toutes les cultures sont proches, se ressemblent et qu’il y a eu un âge d’or où elles baignaient dans l’harmonie. Le voisinage heureux qu’instaure Jordi Savall entre cultures différentes laisse s’épanouir pleinement les différents aspects du mystère de la musique, « un sens inappropriable, un sens sans signification assignable qui préserve l’énigme et le mystère du sens au-delà du monde arraisonné par les significations et l’exploitation. » (Patrick Vauday) C’est ce mystère qui circule avec élégance, comme un air de respect. Comme la volonté de préserver l’espace intime de chacun, de le laisser respirer. Le dialogue reste possible grâce à cette réserve: vouloir tout expliquer de l’autre, c’est le dépouiller. Il faut accepter l’inexplicable de l’autre. Charme discret de l’inexplicable qui chante dans la succession des chansons réunies ici, musique aux couleurs chaudes et sombres. Un langage de couleurs pour s’éloigner du langage des mots qui, actuellement, n’aide pas à la compréhension. Vivacité des sons et de leurs teintes qui m’évoque cette analyse de la couleur chez Gauguin : « Ce que la couleur exprime de la pensée, c’est moins le contenu en idée, le contour conceptuel, que l’intensité de la force qui pense; la vie de la pensée n’est pas tant dans ce qui est pensé que dans la façon dont on le pense, selon quelle intensité, avec quelle vitesse. Quand Gauguin parle de la couleur comme d’une conciliation du sensible et de l’intelligence, il n’a pas en vue la simple correspondance d’une matière sensible et d’une idée mais l’éclat fulgurant d’une pensée forçant ses propres limites en direction d’un infini insaisissable. » (Patrick Vauday, « La décolonisation du tableau », Seuil, 2006)
Jordi Savall ne vise surtout pas le crossover, mais son programme d’airs italiens, espagnols, marocains, iraniens, libère la musique magique d’un tel infini imperceptible. Indispensable pour inventer des possibles, sortir de l’impasse. D’où la capacité d’enchantement de ce CD.
N’hésitez pas à emprunter, dans nos collections, des CD de musiques israéliennes, espagnoles, iraniennes, marocaines, juives, musulmanes… pour poursuivre la confrontation, imaginer plus loin la rencontre, creuser cet infini nécessaire !

PH

 

Classé dans