Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Pointculture_cms | critique

JOURNEY OF THE DEEP SEA DWELLER

publié le

Une anthologie qui explore les débuts du mystérieux groupe Drexciya et les premières traces de leur mythologie complexe et déconcertante.

Parmi les musiciens de la deuxième vague de techno de Detroit, Drexciya est, avec Underground Resistance, le plus engagé dans l’opposition à la presse et à la musique mainstream, pratiquant l’autoproduction et l’anonymat militants. Il fallut attendre la mort d’un des deux (ou plus) protagonistes du groupe pour en savoir les noms. Mais c’est surtout pour la mythologie qu’il a développée autour de ses publications que le groupe mérite d’être remarqué. Drexciya est la cité des hommes-poissons noirs, descendants des enfants des esclaves africaines qui étaient jetées à la mer par les trafiquants lorsqu’on découvrait qu’elles étaient enceintes. Apprenant à respirer sous l’eau, ils devinrent de nouveaux atlantes, recréant une civilisation dans les profondeurs de l’Atlantique et attendant l’heure de la revanche (les premiers morceaux du groupe s’intitulent « Aquatic Invasion », « Beyond The Abyss » ou encore « Deep Sea Dweller »). Radicalisant la notion de Black Atlantic de Paul Gilroy, et l’idée d’une civilisation noire transatlantique reliant l’Afrique, les Caraïbes et les Amériques, ils y ajoutent des éléments de science-fiction, de technologie, et une géographie imaginaire (délimitée par des morceaux tels que « Positron Island », « Danger Bay », « The Red Hills of Lardossa », « The Invisible City », « Dead Man’s Reef » ou « Bubble Metropolis ») pour créer un des mythes parallèles les plus étranges de la diaspora noire. Cette uchronie, faisant des océans le théâtre d’une lutte éternelle entre deux civilisations, celle du fond des mers (sillonné par les croiseurs sous-marins de l’armée lardossienne) et celle de la surface, déjà infiltrée par des drexciyans rêvant de vengeance. Cette mythologie est servie par une musique sombre et minimaliste mêlant acid, techno et électro. Entièrement construite à base de machines, synthétiseurs et boite à rythmes TR-808, elle est à mi-chemin entre une froideur calculée et un groove imparable hérité du funk. Elle relie l’électro de la décennie précédente à la techno de Detroit, comme le faisait le projet le Model 500 de Juan Atkins ou Cybotron de Juan Atkins et Richard Davis, remplaçant la dimension futuriste de ces derniers par un univers fictionnel original extraordinairement complet. Malgré la rareté de ses productions et de ses performances, Drexciya est un groupe majeur qui influencera des générations de musiciens électro jusqu’à nos jours. Ses membres produiront une quantité impressionnante de side-projects donc certains sont aujourd’hui encore actifs, Dopplereffekt, Arpanet, der Zyklus, Elektroids, Zerkalo, Japanese Telecom, The Other People Place, etc. En 1997, le groupe annonça la cessation définitive de ses activités, sans plus d’explications. Ils décidèrent heureusement de ne pas tenir parole et revinrent en 1999 avec l’album Neptune’s Lair. Cette compilation, Journey Of The Deep Sea Dweller, couvre la première partie de leur carrière avant cette interruption de presque deux ans. Elle montre la mise en place progressive de la mythologie Drexciya, et l’évolution musicale d’un groupe exceptionnel.

Benoit Deuxant

Classé dans