COUNTESS (THE)
La comtesse sanglante
Pour son troisième film en tant que réalisatrice après Looking for Jimmy et la comédie romantique « 2 Days in Paris », Julie Delpy change radicalement de registre pour se pencher sur la vie de la tristement célèbre Erzsébet Báthory, accusée d'avoir commandité l'enlèvement, la torture systématique et la mort d'une centaine de jeunes femmes. Selon la légende, la comtesse hongroise se baignait dans leur sang afin de se garantir une jeunesse éternelle et fut condamnée à être emmurée vivante dans son château où elle mourut en 1614 à l'âge de 54 ans.
Il faut croire que « The Countess » est un projet qui tenait particulièrement à cœur à Julie Delpy puisque, non contente de l'avoir écrit et réalisé, elle y partage également l'affiche avec Daniel Brühl (« Good Bye Lenin! », 2 Days in Paris), William Hurt (« Smoke », « A History of Violence ») et Anamaria Marinca (« 4 mois, 3 semaines et 2 jours »). En outre, l'actrice multicasquettes en a composé la bande originale, une partition très classique pour orchestre qui étonnera certainement celles et ceux qui avaient entendu la Delpy pousser la chansonnette sur son album éponyme : délaissant la guitare et les mélodies pop-folk, elle offre ici un aperçu de la véritable étendue de ses talents de compositrice avec des thèmes courts et inspirés, alternant envolées de cordes et piano solo, entre classicisme et minimalisme.
Soignées mais discrètes, les vingt et une vignettes réunies sur la bande originale de « The Countess » ne sont pas de nature à vampiriser le récit. La composition se tient à l'arrière-plan, évitant toute surenchère, et donne néanmoins une idée de l'ambiance générale du film : si les crimes y sont bel et bien présents, il ne s'agit ni d'un film d'horreur, ni d'une enquête policière.
Après avoir inspiré des dizaines de romanciers, cinéastes, groupes de métal et concepteurs de jeux vidéo, Erzsébet Báthory n'a que rarement été exposée sous son aspect humain : tour à tour vampire ou tueuse psychopathe, elle est généralement présentée comme une femme sans émotions perpétrant ses meurtres de sang-froid. Pourtant, le personnage est bien plus complexe que cela.
Voilà sept ans que Julie Delpy travaillait sur le scénario de « The Countess », production franco-allemande présentée à la Berlinale 2009. Plutôt que de focaliser sur les crimes d'Erzsébet Báthory, le film fait évoluer le personnage au sein d'une tragédie où il est davantage question d'obsession amoureuse que de meurtre. Partant de l'hypothèse que la comtesse fit couler le sang pour conserver l'amour d'un amant plus jeune qu'elle, l'actrice-réalisatrice signe un film certes sanglant, mais avant tout dramatique, et en profite au passage pour montrer le côté éminemment obscur de la femme.
Catherine Thieron