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Pointculture_cms | critique

TREMBLEMENTS S'IMMOBILISENT (LES)

publié le

SÉLECTION DES MOIS DE JUILLET - AOÛT 2007 CD DU MOIS

C’est du Québec que Karkwa nous décoche ce deuxième album à forte valeur énergétique. Bardé de critiques flatteuses et auréolé de récompenses fameuses.
C’est aussi un album atmosphérique qu’il faut amadouer. Il n’y a pas prédominance d’une ligne claire narrative. Les textes sont importants, mais semblent pister des vécus centripètes. Ils ne permettent pas de répondre facilement aux questions basiques: qui parle, d’où parle-t-il, de quoi parle-t-il, de quel réel s’agit-il, de quelles créatures ? Ce n’est pas le résultat d’une négligence car l’écriture est soignée, avance par courtes propositions lapidaires, enchâssées, greffées les unes aux autres, avec ici ou là des phénomènes de rejets, des répulsions. Formules bien tournées, bien envoyées, captant l’attention. Tantôt, les expressions imagées sont crues, basiques, cruelles, concrètes, tout en épinglant poétiquement des mouvements d’âme que l’on rencontre tous. Tantôt elles frôlent une sorte de démence ordinaire difficile à cerner et proche de la caricature, mais plongeant alors dans une réalité plus virtuelle qui ronge l’autre. Qui parle ? Un personnage réel, un personnage inventé ? Dans quel monde évolue-t-on ? Alors, l’enchaînement des courtes phrases ressemble aux injonctions d’un scénario allumé, un peu labyrinthique. C’est une écriture qui, à chaque mot, peut basculer du banal à l’univers de jeux où l’on s’invente, où l’on crée ses décors et ses partenaires, où l’on est partagé entre le vrai et le mirage. Mais aussi où l’on expérimente plusieurs identités, où l’on change de peau, on quitte la sienne pour se glisser dans celle d’autres. Avec chaque fois, l’appel de l’inconnu, le choc de l’interdit et ses décharges d’adrénaline, ses flous identitaires jouissifs et malsains. Les paroles aux abois tentent sans cesse de démêler le vrai du faux, de s’orienter. Avec un côté cauchemardesque. Situation borderline explicitée dans le titre Le coup d’état: « C’est le panache au sol/ C’est l’air las d’une tête/ D’une tête basse et blême/ Celle qui traîne et porte le teint d’un parvenu/ D’une course de rattrapage/ Du cœur qui tend l’appât d’usage/ Un va-et-vient de temps à autre/ Celui qui me torture et me fraude. »
Karkwa reflète bien nos réalités hybrides, mélanges de chair, de sang et de technologies, de banales poésies, de fulgurances héroïques comme échappatoires fantasmatiques. Soit l’invasion du concret par le virtuel en un mixte trouble, excitant et perturbant (avec aussi des fantaisies savoureuses comme Pili-pili). La musique est primordiale. Elle n’accompagne pas les paroles, elle n’illustre pas les histoires comme c’est souvent le cas en « chanson ». Elle fait partie intégrante des atmosphères et récits morcelés, comme d’ailleurs de plus en plus dans certains jeux électroniques. Et elle est musclée, très rock.
À signaler aussi : apparition de Brigitte Fontaine. [retour]
Pierre Hemptinne

 

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