Just a kiss
La simple évocation du nom de Ken Loach induit inévitablement le spectateur vers ce que l'on a coutume d'appeler - un peu naïvement d'ailleurs - le cinéma engagé. Cinéaste « social », dénonciateur d'un système de plus en plus enclin à l'exclusion, il scrute son présent, secoue ses contemporains. Pour illustrer son propos, il confie – comme à son habitude – ses rôles à de parfaits inconnus, et filme des décors naturels avec une détermination quasi documentaire. Le sujet ? Les religions, l'exclusion qu'elles génèrent et les barrières qu'elles dressent entre les individus. Casim est musulman. Immigré pakistanais de la deuxième génération, il s'amourache de Roisin, jeune prof de musique… et catholique. Leurs communautés religieuses respectives vont entraver cette union et susciter chez les deux jeunes gens divers sentiments, vacillant entre culpabilité et colère, en passant par la résignation. Il est aussi question d'identité, celle qu'on se forge mais aussi celle qui nous est imposée par notre culture et notre environnement. Le personnage de Casim est à cet égard représentatif de ce malaise : bien intégré dans la société occidentale moderne, il n'en reste pas moins très attaché aux valeurs familiales qu'il remet difficilement en question.
Sans apporter de réponses aux nombreuses questions soulevées par cette problématique de la tolérance intercommunautaire, le réalisateur se pose en spectateur attentif des mœurs dérangées de son époque. Dénonciateur certes, mais pas moralisateur. Usant avec savoir-faire du naturel de ses jeunes comédiens, il insuffle à sa réalisation justesse et légèreté. Le ton est donc ici plus éthéré, substituant à la rage des œuvres passées un discours plus posé mais non dénué de cette volonté dénonciatrice qui caractérise Loach. Plus sensuel qu'à l'accoutumée, manoeuvrant habilement ce thème, commun à première vue, qu'est « l'amour impossible », il nous livre un film plein d'espoir qui confirme, si besoin est, son talent et sa sensibilité.
(Michaël Avenia)