SABRE (LE)
« L'homme n'a en fait que deux possibilités : être fort et droit ou se donner la mort. » *
Conte cruel, d'ombre et de lumière. Pendant la canicule d'un été japonais façonné dans l'argile mortifère du Bushido, vie et mort d'un fanatique emporté par l'obsession de la pureté supposée d'une élite imaginaire faite de guerriers d'airain. Tiré d'une nouvelle de l'écrivain japonais, Yukio Mishima, intitulée Ken (Sabre) , ce film décrit dans un style d'une grande rigueur, en noir et blanc solaire, les sentiments ambigus ressentis, l'un pour l'autre, par deux adolescents beaux, virils, de caractère opposé, brûlant du feu de la jeunesse, luttant pour se surpasser en cet art martial exigeant qu'est le kendo.
Jirô Kokubu est l'un des meilleurs sabres du Japon, on ne lui connaît aucune faiblesse, il est le capitaine de son équipe qu'il entraîne avec exigence vers la conquête du titre… Le club part en stage en bord de mer; les ambitions, les rivalités s'exacerbent… Profitant de l'absence de Jirô, les élèves bravent un de ses interdits… Le cinéaste a su rendre très précisément le ton, le style, les situations, les personnages, les ambiances du récit de Mishima, il a juste ajouté une vague histoire d'amour très « nouvelle vague » ne nuisant pas à la continuité fluide, presque glacée de l'histoire qui s'égraine au son d'une musique de plage.
Le film, à l'égal de l'œuvre de Mishima, s'insurge contre la perte des valeurs morales essentielles du Japon, la décadence de la jeunesse, ses turpitudes, sa vanité, son incapacité à concrétiser les promesses d'avenir dont on la charge, son dégoût du monde adulte rempli de laideurs au contact desquelles elle va se salir.
(Pierre Coppée)
*Yukio MISHIMA : « Martyre précédé de Ken » (Folio, Gallimard, 2004)