KESTO
En 2001, après la sortie de l’album Aaltopiiri, lassés de la routine des tournées du rock’n roll circus habituel, les deux musiciens publient deux petites annonces dans le magazine The Wire en vue de jouer, moyennant le gîte et un pourcentage des éventuels bénéfices, dans des lieux exotiques et inhabituels aux quatre coins de la planète. En huit semaines, ils jouent notamment à Singapour, à Auckland, à Papeete, au pied des statues de l’Île de Pâques, au milieu des ranflas (voitures surbaissées ou lowrider cars) de Tijuana au Mexique, à Reykjavik avec une chorale de quarante personnes, etc. Mais Mika Vainio vit mal la fatigue physique et la pression psychologique liée au voyage et, malade, interrompt le périple avant son chapitre est-européen et balkanique.
C’est au cours de sa longue convalescence, qu’influencé par les triptyques du peintre Francis Bacon, Pan Sonic entreprend d’enregistrer un disque qui devait compter trois CD et finalement en comptera quatre et durera près de quatre heures (les 234 minutes et 48 secondes qui lui donnent son sous-titre). Acquérant une dimension de disque-somme, Kesto (qui veut à la fois dire Force et Durée en finnois) offre – au milieu des belles photos moscovites d’Anne Hämäläinen – un panel complet des possibilités expressives de Pan sonic. Du disque 1 au disque 4, la dynamique et les BPM diminuent tandis que les durées des morceaux augmentent. Le disque 1 est le plus noise, le plus électro et le plus industriel ; parfois le plus pop, le plus immédiat et le plus entrainant aussi. Ses courts morceaux enragés évoquent parfois Suicide. Le disque 3 propose des plages apaisées de sept à dix minutes incorporant des éléments proches de la musique concrète tandis que tout le disque 4 est dévolu à « Säteily » (Radiation), un long drone ambient de soixante-et-une minute. Ce morceau est dédié à Charlemagne Palestine, comme d’autres, sur les disques 1 à 3, le sont à Bruce Gilbert, à Suicide, au guitariste bruitiste Keiji Haino ou au compositeur Alvin Lucier. Un monument ; presque un testament.
Philippe Delvosalle