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Pointculture_cms | critique

SMOKE RING FOR MY HALO

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Deux disques à la beauté fruste et ombrée qui dessinent en hachuré le portrait de leurs intrigants auteurs. Premières perles (noires) chantées de 2011.

 

Deux disques à la beauté fruste et ombrée qui dessinent en hachuré le portrait de leurs intrigants auteurs. Premières perles (noires) chantées de 2011.

L’un et l’autre ont opté pour un visuel en noir et blanc. Timber Timbre, alias Taylor Kirk ne montre même pas sa tête à l’intérieur du livret et livre ses concerts à l’abri d’épais manteaux de fumée où on le distingue à peine, tandis que les clichés de Kurt Vile semblent extraits d’un album de photos souvenirs d’une jeunesse « slacker » telles qu’on aimait les exhiber du côté de Seattle à l’aube des années 1990, en plein buzz médiatique grunge !

timberTimber Timbre vient lui du Canada (Toronto) et s’est, d’une certaine façon mué en un véritable groupe depuis l’arrivée d’un guitariste multifonction (Simon Trottier) et d’une violoniste (Mika Posen), alors que Kirk fait partie de cette catégorie socioprofessionnelle en pleine expansion dans le rock, celle des batteurs-vocalistes (No Age, Lightning Bolt…). Auparavant, Kirk avait publié deux disques « solo » faits maison et vendus en catimini jusqu’à son déménagement à Montréal et sa signature sur une petite fabrique à disques (il en est à sa troisième !). Et c’est Arts & Crafts (Broken Social Scene…) qui publie Timber Timbre en 2009, plaque qui mettra plus d’un an à traverser l’Atlantique. Entre-temps, le bouche à oreille et le web ayant fait leur œuvre, le nouvel album Creep On Creepin’On arrive pratiquement dans la foulée du précédent…

Franchir le seuil de ce disque, c’est un peu comme mener une enquête où la collecte minutieuse des indices et les filatures incessantes ne conduisent qu’à épaissir le voile déjà bien trouble du mystère d’un personnage, qui malgré nos efforts, maintient fermement la distance. « Bad Ritual » a bien le déhanché branque d’une « croonitude » éplorée de vieux tripot clandestin, mais ici tout flotte (les chœurs, les violons, les accords de piano suspendus) comme si la pesanteur n’avait plus cours. Et l’intermède « Obelisk » d’y ajouter un soupçon d’inconfort diffus avec martèlements rythmiques de chiourme et nuées de cordes glacées. En sus, une note contemporaine du même ordre, vaguement cinématographique, mais travaillée par l’idée d’un instant présent étiré à l’envi, clôt cet album (« Souvenirs »). Entre-temps (« Creep On Creepin », le titre), une guitare ensoleillée et une paire de cuivres auront prodigué quelques rais d’un optimise circonspect. Car même si on a l’impression de comprendre les paroles de Taylor Kirk, on n’est jamais très certain d’en décrypter le sens, et ce, même si le refrain de « Black Water » paraît lumineux : « All I Need Is Some Sunshine… ». Cet amalgame de sentiments contradictoires mélangés, on l’a déjà éprouvé, par exemple, à la vision de la série Twin Peaks. D’ailleurs dès « Woman », les comparaisons de scénarios imaginaires titillent l’esprit. Richard Hawley jouant au laborantin d’une expérience musico-temporelle transversale (« Woman » et son crescendo jazzy cuivré), Leonard Cohen (re)goûtant à la fontaine de jouvence (« Too Old To Die Young »), Angelo Badalamenti taquinant le démon de midi de ses amours perdues par quelques rengaines de son cru…

kurtPour l’Américain originaire de Philadelphie Kurt Vile, la petite histoire du rock semble prendre un soin tout particulier à repasser les plats. Sans aucun lien avec le compositeur allemand Kurt Weill, ce fils de famille nombreuse a fini par fonder un groupe (The War On Drugs) après avoir biberonné aussi bien au blues, au jazz, au classic rock, qu’à John Fahey, ou au rock indie façon Sonic Youth, ou encore Dinosaur Jr dont le leader à la légendaire nonchalance trompeuse, Jay Mascis, paraît avoir servi de modèle de conduite à ce plus très jeune homme (qui doit avoir dépassé les 30 printemps !) à l’entreprenante chevelure (?) protectrice. C’est que, dans l’ombre de ce groupe qu’il finira par quitter en bons termes en 2008 après un unique témoignage discographique (Wagonwheel Blues), l’homme traficote de petites chansons vêtues du minimum nécessaire et gravées sur deux plaques en 2008 (Constant Hitmaker) et 2009 (God Is Saying This to You) qui attireront, conseils de Thurston Moore (SY) aidant, les fins limiers du label Matador (Cat Power) qui éditent Childish Prodigy (2009) avant ce Smoke Ring For My Halo caréné avec des moyens plus conséquents et un vrai groupe, The Violators, pour le magnifier.

Au premier contact, ça ressemble à des hymnes de poche un peu bougons pour ados tardifs et geignards. À la réécoute, au recueil de chansons arrache cœur et solaires le plus bouleversant depuis… C’est qu’il y a chez Kurt Vile une espèce d’esthétique de la limite, du point de rupture. Sa voix d’ourson mal réveillé, comme surpris par un soleil narquois, hante les contours du faux et de la justesse pour s’arroger les atours d’une indéniable séduction qui touche le plus souvent à l’enchantement (« Jesus Fever », « Runner Ups »). Son jeu de guitare, un modèle de concision et d’économie qui dissout les multiples approches (finger-picking, électricité timide) dans une ossature mélodique aussi souple et solide qu’harmonieuse. Et l’Américain de truffer son rock plus psyché rigide que vraiment folk pleureur d’arrangements judicieux et dosés à la perfection. On entend une harpe sur « One Tour », un mellotron sur « Society Is My Friend » avant un final finement orchestré (« Smoke Ring For My Halo », le titre) en toute proverbiale modestie.

On lit ça et là que ce type (et Timber Timbre du même coup) marquerait l’apparition d’une race de songwriters à la fois héritiers de Springsteen, Lou Reed ou Neil Young et fils de l’alternatif indie US des nineties. Pour l’heure, on les préfère en subtils contrebandiers d’une mélancolie en halos de fumée bientôt (?) dissipés par le soleil.

Yannick Hustache

 

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Auteur – compositeur américain, avant d’entamer une carrière solo, il fut membre de The War On Drugs. En 2008, il sort son premier album solo « Constant Hitmaker ». Il intègre la folk et le classic rock dans son répertoire, on y trouve les influences de Tom Petty ou de Neil Young. Il est encore tout jeune – la trentaine –  mais ce quatrième album est très mature, hormis l’héritage des musiciens précités, il y a des traces ADN de Sonic Youth. Il a un sens inné de la mélodie,  les arrangements judicieux font que l’on ne tombe ni dans la grosse production mielleuse et aseptisée ni dans la lofi, tellement à la mode.  Un peu homme à tout faire, il chante d’une voix profonde, il joue de la guitare, on l’entend aussi aux claviers – synthés etc… mais aussi au mellotron qu’il a  sorti de son contexte plutôt rock progressif (instrument de musique polyphonique à clavier lisant les sons sur des bandes magnétiques. Il a été largement utilisé dans les années 1970).

En conclusion, je dirais que cet album a de faux airs de folk country , et touche de très près les sonorités urbaines. D’ailleurs la production est assurée par John Agnello que l’on retrouvait déjà derrière la console pour Sonic Youth, Thurston Moore ou Dinosaur Jr. Quoi de plus rock urbain finalement!

 

 

 

 

 





 

 

 

 

 

 

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