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Pointculture_cms | critique

Le journal de David Holzman, le mensonge 24 fois par seconde

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Cinéma

publié le par Michaël Avenia

Si le nom de Jim McBride semble aujourd’hui tombé dans l’oubli, il reste cependant associé à l’un des films les plus importants des années 1960. Présenté non sans raison comme le premier mockumentary (ou documenteur) de l’histoire, « Le Journal de David Holzman » est bien plus que le père fondateur d’un genre largement exploité depuis lors. En mettant en exergue la désormais célèbre phrase de Jean-Luc Godard (« Le cinéma, c’est la vérité 24 fois par seconde »), McBride dévoile sa volonté et l’objet de son discours : quelle est la part de réel et de vérité dans ce qui est montré par le cinéma ?

Pour bien saisir toute la portée d’une telle démarche, il faut replacer le film dans son cadre cinématographique : réalisé en 1967, il apparaît comme le parfait contrepoint au cinéma direct (ou cinéma-vérité) alors en plein essor. Pour la plupart des spectateurs qui ont vu le film à sa sortie, il était difficile de savoir s’il s’agissait d’un documentaire ou d’une fiction. Comme pour renforcer ce sentiment (et ce qui apparait in fine comme une mise en abîme), McBride débute son métrage en présentant son « matériel » (caméra, enregistreur…), ce filtre qui convertit le réel en fiction.

On pourrait penser que Jim McBride se pose en antithèse du cinéma direct. S’il est vrai qu’il prend un malin plaisir à déconstruire les convictions des cinéastes qui se revendiquent de cette mouvance, ce n’est que pour en renforcer la portée et apporter au mouvement une dimension nouvelle : le cinéma direct ne se pose plus uniquement en miroir de la vérité, mais devient également un objet de réflexion sur le réel, sur le cinéma.

Cette petite bribe de conversation se suffit à elle-même :

D.A. Pennebaker (réalisateur précurseur du cinéma-vérité) : « You killed cinéma-vérité » (« Vous avez tué le cinéma-vérité »)

Kit Carson (scénariste et acteur du « Journal de David Holzman » : « Truthmovies are just beginning » (« Il ne fait que commencer »).

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Cinéphile averti (il était une assidu de la Filmmaker’s Cinematheque de Jonas Mekas), Jim McBride fait appel à des références filmiques variées : outre la célèbre tirade de Godard qui sert de porte d’entrée à son discours, on peut constater l’influence d’un Hitchcock (dont une affiche de film orne un mur du bureau de David Holzman), qui s’est beaucoup intéressé au voyeurisme dans sa carrière, et bien évidemment au « Peeping Tom » de Michael Powell qui explore comme nul autre film l’intrusion d’une caméra dans un espace privé, intime.

Cette articulation autour du rapport réel/vérité n’est pas sans rappeler bien évidemment le travail que Peter Watkins a entrepris notamment avec ses films The War Game et Punishment Park. Plus proche de nous, le récent Pater d’Alain Cavalier emprunte lui aussi ces chemins troubles entre fiction et documentaire, cet interstice entre ce qu’il faut croire et « ce qui est », pour questionner le spectateur sur son rapport aux images et leur portée.

Outre ce premier essai historique, Jim McBride a réalisé dans la foulée My Girlfriend’s Wedding, sorte de double négatif de son documenteur dans lequel il filme sa compagne qui lui raconte sa vie passée. Le reste de sa carrière est par contre moins captivant avec, entre autres, une adaptation décevante du film À bout de souffle de Godard, le très léger Great Balls of Fire! et quelques contributions télévisuelles (dont un épisode de la série Six Feet Under).

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