LIVRE NOIR DU CAPITALISME (LE)
Tout d’abord relaxant, Le Livre noir du capitalisme entraîne l’auditeur dans des atmosphères sonores quasi cinématographiques, dotées d’une dimension poétique incontestable qui illumine cet univers claustrophobe zébré d’humour noir. Les plages sont courtes et aériennes, oscillant entre des mélodies minimalistes que l’on peut rapprocher de celles de Satie ou Debussy et des collages sonores, appuyant son propos de samples littéraires et cinématographiques divers citant notamment Dada, Godard et Guy Debord. Pour l’orchestration de ce premier album solo sorti en 2000 et injustement passé inaperçu à l’époque avant d’être réédité en 2008 sur le label Type, Sylvain Chauveau, désormais résident bruxellois, a fait appel à un violon, un violoncelle et un accordéon pour entourer le piano et tisser des mélodies mélancoliques. L’électronique, bien que discrète, n’est pas en reste puisque l’artiste l’utilise afin de parasiter certaines plages par de courtes séquences et par des sons glitch capturés par ses soins. Le rythme est quant à lui quasiment absent de ce disque mais on peut tout de même entendre quelques discrètes boucles de batterie tout en retenue sur certains titres.
Bien que l’ambiance générale du disque soit relativement apaisante, le compositeur français nous emmène toutefois sur certains titres vers des terrains moins rassurants. Hurlements en faveur de Serge T, par exemple, nous fait basculer dans une ambiance musicale malsaine, sur laquelle se greffent des paroles d’une terrible violence psychologique… De façon diffuse, Le Livre noir du capitalisme révèle de façon détournée la manière dont Chauveau conçoit la politique et son anticapitalisme mais recèle également une dimension très personnelle, cet album étant inspiré à l’origine par une relation amoureuse décevante. Si le disque a pu être perçu par beaucoup comme un ouvrage politisé dû à son titre évocateur, il s’en défend et explique que la politique et le social étaient intimement liés à cette relation douloureuse et que cela aura eu, inévitablement, un impact sur le développement de cet album.
Œuvre sombre à la lourde densité émotionnelle composée uniquement de titres instrumentaux où le piano tient le haut du pavé et sert de chef d’orchestre à tout l’univers créé par Chauveau, Le Livre noir du capitalisme est un disque fabuleusement inspiré, aux arrangements somptueux.
Jérôme Henriette