JOIE (LA)
Après avoir discrètement sillonné les scènes du
Québec, de l'Ontario et d'Europe avec leurs chansons au ton à
la fois osé et léger, teinté d'humour et de sensualité,
les « ¾ Putains » conservent de leur formation
initiale le noyau du groupe et le style. Marc Bisaillon (guitariste, organiste,
banjoïste), É ric Rathé (contrebassiste) composeront dès
lors sous le nom de « Léopold Z ». Référence
intentionnelle et cinématographique de l'underground des années
60, dressant, sous la réalisation de Gilles Carlé, le portrait
quelque peu voltairien d'un candide looser face à la société
capitaliste nord-américaine. « J'ai repris la route
de la rage / J'ai repris la route des orages / J'ai repris la route des nuages !
/ Dieu ! Dieu / Non j'me laisserai plus traiter comme un chien ! »
, cette libre adaptation de Going down the road tranche
d'entrée dans le vif des propos. Amarré solidement aux racines
de la tradition, de celle qui tisse les fils de la résistance et du sens
pour cet opus iconoclaste, et dans la joie, Léopold Z explore ici un
univers près des réalités sociales, tout en gardant l'humour
caustique des débuts. S'autorisant allègrement quelques ‘revisites'
posthumes non-innocentes - Calaferte et son sulfureux roman « Septentrion »,
mis à l'index jusque dans les années 70 en France, sur fond de
musique de parade de cirque; Rimbaud pour une superbe valse au Bal des pendus
; Richepin et Brassens dans une mordante relecture colorée à
la créole, quelque Rupture de ton. Proche d'un Guidoni qui
aurait croisé Arthur H. Autant d'affinités électives, textuelles,
de cœur et de combat, légères dans leurs fourreaux mélodiques,
alliant jazz débridé et consonances éclatées afin
d'adoucir le sensuel et l'acerbe du verbe. Résultat : un voyage
agréablement chahuté, mais ô combien vivifiant.
(Brigitte Lebleu, Charleroi)