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Pointculture_cms | critique

SISTERWORLD

publié le

Menteur toi-même !

Menteur toi-même !

Ces Américains se sont peut être autoproclamés « menteurs » il y a plus de dix ans mais se révèlent au quatrième disque, toujours incapables de décevoir !

En soutien du premier extrait de Sister World, « Scissor » bénéficie d’une vidéo (bientôt hors-jeu ?) qui illustre de façon exemplaire la première immersion du badaud moyen en zone d’influence Liars. Un naufragé (le longiligne chanteur Angus Andrews) se réveille hagard dans son canot de sauvetage sur une mer d‘huile et découvre que des galets arrivés de nulle part menacent par leur poids de l’envoyer par le fond. Malgré tous ses efforts, son navire de fortune commence à prendre l’eau et l’homme doit son salut temporaire à la présence d’un bateau de plaisance où notre rescapé comprend – avec horreur – que ces pierres sortent directement des flots tranquilles d’un océan nourri d’évidentes intentions meurtrières…

Musicalement, le morceau ressemble à un gospel païen sous LSD contrarié par l’irruption de saillies tribalo-noisy qui font deux petits tours de raffut et puis s’en vont. Demeure cet étrange sentiment de gueule de bois insistante au beau milieu d’un musée à ciel ouvert. L’aménagement des lieux  frôle le superbe malgré un décor de chaos et une migraine tenace.

C’est que depuis ses débuts, The Liars ou plus simplement Liars semblent suivre une trajectoire de ligne brisée qui lui épargne les vicissitudes d’un étiquetage collant (cocher post-punk ou rock 80’s pour être certain de ne pas se tromper) et s’autoriser toutes les envies. En queue de leur disque inaugural (They Threw Us All in a Trench and Stuck a Moment on Top, 2001), ces Californiens exilés dans la Grosse Pomme collaient une éreintante micro-boucle sifflotante de plus d’une demi-heure. Au suivant (They Were Wrong, So We Drowned, 2004), le trio envoyait la mélodie paître ailleurs pour s’abandonner à un tribalisme anxiogène sur fond d’ambient à la sauce Sonic Youth des débuts, et couplait l’image et le son sur le dual (CD+ DVD), et plus apaisé Drum's Not Dead (2006). Enfin, sur son avant-dernier album éponyme (2007), Liars revenait d’une certaine manière vers un format chanson mais gangrené à la fois de remugles no-wave new-yorkaise et noisy pop brittonne. Entre-temps, le groupe n’aura rien perdu de sa force triangulaire (les formules trio se doivent d’aller à l’essentiel) tout en remplaçant les 2/3 de ses composantes, et bien que l’omniscient Angus Andrews (seul membre d’origine) se défende de mener une formation faire-valoir à la baguette.

aaUn grand échalas réellement inquiétant (et capable, sur scène, de faire fuir la moitié d’une assistance en quelques minutes) et qui, comme proclamé par son patronyme, joue à loisir avec la logique miroir vérité/mensonge. Enregistré à Los Angeles sous l’égide d’un producteur grand-public (Tom Biller, un familier de Kanye West), Sisterworld ne pâtit pourtant d’aucun lustrage F.M. à la Yeah Yeah Yeahs (dont la « meneuse » Karen O fut un temps la compagne me M. AA) et se déploie en une structure labyrinthique et complexe où la lumière n’est pas plus présente ou moins austère que dans les enchevêtrements sonores bigarrés de ses prédécesseurs, montrant par-là que la tension urbaine qui les nourrit n’est pas plus facile à supporter au soleil !

De même, si les écoutes préliminaires peuvent décevoir, ce 5ème,disque distille ses motifs d’addiction au goutte-à-goutte pour se profiler, même en l’absence de nouvelles pistes formelles, comme le plus cohérent et long en bouche de ses exploits discographiques. Néanmoins, « No Barrier Fun » et son violon en danseuse entre deux pulsations rythmiques organiques donne une juste indication d’humeur : l’électronique a été ramenée à portion congrue. Un piano se joint à cette sarabande macabre (« Here Comes All The People »), une mélopée fait un détour par des égouts charriant des échos inquiétants (« Drip »). Calme en trompe-l’œil qui ne fait que mettre en relief les accès d’une colère joliment maîtrisée (les uppercuts « Scarecrows on a Killer » et « The Overachievers »), ou négociée, façon Cliffhanger (« Goodnight Everything » , « I Still Can See an Outside World »), avec lentes montées en puissance, courte épiphanie et brusque basculement vers autre chose. De la new wave au marquage génétique XY ? (« Drop Dead »). Voire un vrai moment d’optimisme cronenbergien ?

On doit tout attendre de pareils diseurs de mésaventures !

 

Yannick Hustache

 

 

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