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Pointculture_cms | critique

TOUT VA DISPARAÎTRE

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Le chanteur de Mud flow pour la première fois en solo et dans sa langue maternelle. Un disque qui exhibe ses influences pour dévoiler - un peu - son auteur. « Tout va disparaître », d’accord, mais pas tout de suite, et pas seul.

Le chanteur de Mud flow pour la première fois en solo et dans sa langue maternelle. Un disque qui exhibe ses influences pour dévoiler - un peu - son auteur. « Tout va disparaître », d’accord, mais pas tout de suite, et pas seul.
Dans le groupe, (Vincent) Liben, c’est celui que l’on voit en premier, le capitaine à la manœuvre, le gardien des équilibres, et dans le cas présent d’un groupe pop à guitares, le canal par lequel, le sentiment-roi en musique, la mélancolie, vient se glisser entre les cordes électrifiées gentiment canailles d’une formation «presque» populaire.
Les cas de désertion artistique momentanée à des fins de projets personnels qui s’accommodent mal des règles de fonctionnement en petit(s) comité(s), le monde de la musique en général ne connaît que cela. Mais là où elles contribuent parfois à libérer la créativité bridée de quelques-uns, l’échappée belle de Liben s’apparente à une flagrante mise en lumière des premières amours (?) radiophoniques de son auteur.
De sa mise en bouche (« Trafalgar Square ») et presque sans discontinuer jusqu’à sa clôture, plane au-dessus de « Tout va disparaître » la silhouette (aujourd’hui) un peu effacée de l’écrivain chanteur Yves Simon, dont les mots précieux, plus prononcés que chantés, trouvaient une résonance toute particulière dans la jeunesse du début des années 80. L’amour, ses romances illusoires et son impossible épiphanie, servent de trame à dix chansons qui ne sont vêtues que du minimum; guitare acoustique (électrique à deux endroits), basse, batterie, piano et un épisodique renfort de cordes mais dont le confort d’écoute, fluidifié au possible et ventilé de silences suspensifs qui ont pour effet de mettre les détails en lumière sous la patte d’un Rudy Coclet (production) à son affaire, a été maximisé. Un cocon, certes, soyeux et délicat, mais exposé aux vents mauvais qui font émarger «Tout va disparaître» du registre de l’intime, des disques d’âme solitaire «masculine» en latence, ou en partance. Sur le (trop ?) gainsbourrien « 30 décembre », décalque inconscient (?) du « Je suis venu vous dire… », Liben transite par la métaphore de l’anonymat des métropoles américaines pour traduire son désarroi face à une fin de bluette sentimentale qui ne passe pas. De même, son chant se fait narration (non sans accrocs d’ailleurs) pour une sordide histoire de (« virgin » ?) suicide (« Camélia »). Plus amusant, ce quasi tube (« Le joli mai ») et ses mots - « Quelle aventure ! », « Faire le tour du monde »… - improbables, échappés d’un terreau enfantin pas encore totalement enfoui.
Mais si narrative, rêveuse et musicale qu’elle soit, la plume de Liben tient, à bien des endroits, son sauf-conduit de sa fructueuse rencontre avec Stéphanie Croibien. Providentielle invitée qui, outre de dégager le garçon de son encombrante gangue d’influences, rattrape par son chant diaphane de muse post-adolescence à la fois cruelle et insaisissable, quelques chansons sinon un peu en rade. Ici, elle insuffle un peu de douceur angélique dans un puit de tristesse (« Camélia » encore), là, elle introduit de la légèreté via un refrain «variétoche» en portugais sur l’existentiel « La Condition de l’allumette » ou engage un ping-pong vocal du plus bel effet (« Mademoiselle Liberté ») quand elle ne sort pas simplement les histoires de son double d’une vision purement masculine et libidinale (« Tes petits seins »).
C’est tout le paradoxe de cet album et les tendres mélodies chantées (façon Berry ?) par la fille seule d’en être témoins (« Je, si légère », « L’Air et sa constance » « Quand reviendras-tu ? »), Liben n’est jamais aussi touchant et à découvert que chanté par son opposé.
A méditer.

Yannick Hustache

 

Selec

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