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Pointculture_cms | critique

LIFESTYLES OF THE LAPTOP CAFÉ

publié le

Album à part dans une discographie à part, Lifestyles of the Laptop Cafe est le seul paru sous le nom de The Other People Place, un des nombreux projets gravitant autour du mystérieux groupe Drexciya. Serein et élégant, c’est un disque à la […]

Longtemps enveloppé dans le mystère, on sait à présent que cet album est une des rares œuvres solo de James Stinson, un des deux membres fondateurs de Drexciya (l’autre est Gerald Donald). Publié un an avant sa mort en 2002, c’est un album un peu à part dans la discographie complexe et entremêlée des Drexciya, et dans la discographie personnelle de Stinson. Si ses autres projets (Lab rat Xl, Transllusion, etc.) démontraient une filiation commune avec la techno de Detroit, et la musique de la génération qui entoure le collectif Underground Resistance, ce disque s’en détache subtilement pour se concentrer sur des ambiances et des climats plus mélancoliques, plus nocturnes. C’est un album somme tout assez radiophonique, et l’on sait quelle fut l’importance de la radio dans la fondation de la techno de Detroit, transmettant des musiques qui étaient des ouvertures sur le reste du monde, suggérant à beaucoup de musiciens la voie d’une synthèse entre le funk, la soul des États-Unis et l’électro-pop européenne. L’accent est mis ici sur la part la plus chaleureuse de ce cocktail, sur le groove hérité du funk, et sur la sensualité de la soul, qui transparaît par-delà la rigueur et le minimalisme typiques des productions de l’archipel Drexciya. Les rythmiques sont d’une rigidité métronomique à toute épreuve, et les séquences évitent la syncope à tout prix, mais l’album n’en devient pas austère pour autant. Il n’est pas non plus dépourvu d’humour, la plage d’ouverture, « Eye Contact », est un coup de foudre décrit comme le ferait un androïde dans une série comme Star Trek : « Je ne sais pas ce qui se passe, quelque chose fait surchauffer mes émetteurs-récepteurs, il faut que j’établisse la communication avec cette personne de l’autre côté de la salle. » Quelques grognements lascifs mis à part, l’album se démarque pour sa classe, son calme décontracté, et poursuit la voie ouverte dans les années 1980 vers une musique électro un peu chic, un peu élégante. En marge du militantisme de l’école Underground Resistance auquel il appartient par ailleurs, Stinson s’offre le luxe d’un album séduisant, charmeur, qui évite pourtant soigneusement tous les pièges de ce genre d’exercice. Épuré et brillant, comme un magazine de papier glacé, ce n’est pas pour autant un disque superficiel, un projet jetable, mais bien la preuve qu’il est possible de réaliser un album de ce type sans renoncer à une certaine exigence de qualité. Là où d’autres auraient au mieux obtenu un album de variétés, Stinson établit le lien entre l’électro vintage d’un Jonzun Crew et les musiques pour voiture spatiale de cybotron, tout en y apportant sa touche contemporaine très personnelle. Lifestyles of the Laptop Cafe est ce qu’aurait pu être la musique des lounges futuristes si elles n’étaient pas d’ores et déjà squattées par des faiseurs malhonnêtes.

Benoit Deuxant

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