BADABOUM
Il y a de ces rencontres fortuites, hasardeuses qui « badaboum »
saoulent de plaisir au cœur d'une chanson française trop souvent
formatée. Qui surprennent et c'est loin d'être gagné d'avance
par ce peu de choses qui font de l'effet. Une contrebasse, une voix et un plein
de poésie. Loïc Lantoine est un de ces OVNI sorti dont on ne sait
où. Sorte de chien fou bicéphale jeté dans un jeu de quilles.
Sous cet éponyme, deux pôles fusionnent. Lui, au chant et à
l'écriture, François Pierron à la contrebasse. Polarités
indissociables installant franco de port un climat suintant de poésie
brute. Il ne fait pas de la chanson « chantée »
dit-il ! Alors, il fait quoi ? Dans ce parti pris d'un dépouillement
volontaire n'ayant rien à voir avec un « minimalisme »,
il dégage de sa gangue le verbe pour en faire jaillir la gemme. Bien
évidemment, dans ce phalanstère, on y croise en ombres fortes
Ferré mais aussi Jehan et Leprest (avec qui il a travaillé). Inévitablement,
on ne ronronne pas pour rien. On ne se love pas innocemment dans les bras de
Clio. Lui, s'y abandonne par urgence, par aisance. Dans le « je »,
dans le « nous », il martèle le Littré,
malmène Verlaine, Rimbaud, Baudelaire et Villon. Il compte les pieds
et décline la vie en alexandrins. Dramaturgie nécessaire pour
sortir ses tripes, celles qui vibrent à l'amour, à la rencontre,
à la femme. À tout et à rien, au quotidien enrubanné
d'un accordéon à la Corti, d'une ambiance à la Tom Waits
qui finirait ses nuits avec Arthur H. ou Bohringer. Quelques bribes de dadaïsme,
un appel musette-copain et port d'attache d'un Lutèce gigolo, dans l'unique
désir d'une ivresse lyrique.
( Brigitte Lebleu, Charleroi )