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Pointculture_cms | critique

FENDI

publié le

Loïc PRIGENT : « Le jour d'avant » (2010, France, 4 x 52 min.)

Bataillons de beauté

Il n'est pas nécessaire de s'intéresser à la mode pour se plonger passionnément dans ses coulisses. La preuve avec cette série documentaire palpitante signée Loïc Prigent, documentariste devenu petit à petit un incontournable de la planète mode à la télévision.

Le milieu de la mode n’aime pas trop dévoiler les coulisses de la machine à rêves. En effet, quand les apparences sont reines, il n’est pas bon de les démythifier.
C’était sans compter l’œil du réalisateur Loïc Prigent, collègue de Mademoiselle Agnès, avec laquelle il a fondé en 2001 la société de production Lalala. C’est sous cette étiquette qu’il réalise depuis la désormais incontournable émission semestrielle Habillées pour… avec sa camarade de Canal +. Il y est question de mode et de tendances, bien entendu, mais aussi des coulisses ; un créneau porteur que le réalisateur a exploré davantage avec quelques-uns des documentaires les plus passionnants sur le monde de la mode : Signé Chanel (2005), Marc Jacobs & Louis Vuitton (2007) , et la série The Day Before / Le jour d’avant (2010) pour laquelle il s’est incrusté dans les murs de quatre maisons de couture à 48 heures des défilés. Le spectateur découvre ainsi ce qui se passe derrière le strass et les paillettes de Fendi, Jean Paul Gaultier, Proenza Schouler et Sonia Rykiel.

L’art de la discrétion
2 Symbole du luxe italien, la maison Fendi, c’est avant tout Karl Lagerfeld, star incontestée de la Haute Couture. Créateur prolifique, notamment pour Chanel, le styliste qui cultive l’art du paraître s’est pourtant laissé approcher par la caméra de Loïc Prigent sans trop de chichis, même s’il déclare ne jamais se regarder, car, je cite, « je risquerais de perdre le peu de naturel qui me reste ». Cela dit, le réalisateur maîtrise l’art de la discrétion et a su se fondre dans le décor au point de se faire oublier par les nombreuses petites mains qui font tourner la prestigieuse maison italienne.
Car ce sont bien elles qui sont à l’honneur : si chacun des quatre documentaires présente effectivement les créateurs, il se penche plus particulièrement sur celles et ceux qui les entourent – premières d’atelier, couturières, fournisseurs, mannequins, attachés de presse, etc. – et prouve par cette occasion que la mode est un microcosme bien organisé.
Bordélique, certes, mais extrêmement structuré !
Comme le dit si bien Sonia Rykiel dans la partie qui lui est consacrée, « la frivolité et la folie, c'est bien calculé ».

In extremis
Autre icône de la mode mise à l’honneur : Jean Paul Gaultier, son grain de folie et sa légendaire bonne humeur. Enfant terrible des défilés depuis 1976, il a construit un véritable empire, réunissant tous les corps de métier liés à la haute couture sur les sept étages de son quartier général parisien. Sous un masque de décontraction, les petites fourmis des ateliers s’activent pour terminer en dernière minute les pièces extravagantes de la nouvelle collection placée sous le signe du cinéma.
Après l’austérité de la très sérieuse maison Fendi (si l’on excepte le sympathique pétage de plombs collectif à quelques heures du défilé), l’apparente insouciance de Jean Paul Gaultier fait plaisir à voir, d’autant plus qu’elle est communicative : entre Mireille, la première d’atelier, visiblement imperturbable et le mannequin ultra-glamour qui laisse échapper un rototo à une seconde de monter sur le podium, les 52 minutes consacrées au couturier parisien sont à l’image du créateur !

Mode urbaine
De la bohème parisienne, on passe à l’effervescence new yorkaise, avec ce duo de jeunes créateurs qui monte : Jack McCollough et Lazaro Hernandez se sont connus dans une école de stylisme et ne se sont plus quittés depuis. Leur collection de fin d’études, ils la réalisent à quatre mains, empruntant à leurs mères leurs noms de jeune fille pour baptiser leur label commun. Les silhouettes à la fois féminines, classiques et urbaines de Proenza Schouler (prononcer pro-en-za skou-leur) en font rapidement les chouchous d’Anna Wintour, l’intransigeante rédactrice en chef du Vogue américain (voir à ce sujet le remarquable documentaire The September Issue de R.J. Cutler).
Petit budgets et grandes idées font le succès du binôme depuis 2002. Lauréat de plusieurs prix internationaux, le duo a cédé 45% de ses parts au groupe italien Valentino, s’assurant ainsi un précieux soutien (notamment logistique) dans cet univers impitoyable.

Entreprise familiale
Le dernier épisode de la série Le jour d’avant se penche sur l’une des très rares entreprises restées indépendantes et familiales dans le secteur de la mode : la maison Sonia Rykiel, dont l’ouverture de la première boutique en mai 68 fit l’effet d’une bombe. Rayures, strass et inscriptions ornent depuis ces vêtements exhibés par des mannequins souriants et délurés, faisant souffler sur la Couture avec un grand C un vent de folie bien salutaire. Réinventant le noir et la maille, la styliste avoue s’être lancée dans la mode au cours de sa grossesse, car elle ne trouvait aucun vêtement à son goût.
Aujourd’hui, sa fille, Nathalie, a repris le flambeau en tant que présidente et directrice artistique, même si Sonia Rykiel reste, à l’âge très respectable de 80 ans, la styliste attitrée.

Loïc Prigent a suivi les deux femmes (ainsi qu’Edouard Schneider, le cocasse directeur de la communication) dans les préparatifs précédant le défilé des quarante ans de la maison. Un défilé au cours duquel une grande surprise attend sa fondatrice – une femme émouvante et étonnante qui, à la question « Pourquoi faites-vous de la mode ? », répond en toute simplicité : « Parce que rien ne m’y plaisait. J'ai fait des vêtements pour les femmes comme moi : plutôt politiques, plutôt intellos et plutôt pas du tout dans la mode ».

Et voilà peut-être le public que vise Loïc Prigent dont les commentaires détachés et volontiers ironiques assurent le recul nécessaire à rendre passionnant ce petit monde fermé, laissant aux magazines de papier glacé et aux émissions people le strass, les paillettes, les potins et le glamour bling-bling.

Catherine Thieron

 

 

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