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Pointculture_cms | critique

WORLD IN YOUR EYES (THE)

publié le

Drôle de destin parfois que d’être reconnu ainsi à titre quasiment posthume. Si la critique aujourd’hui reconnaît à Loop un statut de précurseur, de groupe fondateur, tous s’accordent pour dire que leurs souvenirs de cette époque sont au mieux flous […]

Drôle de destin parfois que d’être reconnu ainsi à titre quasiment posthume. Si la critique aujourd’hui reconnaît à Loop un statut de précurseur, de groupe fondateur, tous s’accordent pour dire que leurs souvenirs de cette époque sont au mieux flous et imprécis et que sans doute on était alors passé à côté de quelque chose. Durant ses cinq petites années d’existence, entre 1985 et 1990, Loop était une curiosité; trop brut pour les uns, trop répétitif pour les autres, le groupe n’a jamais reçu qu’un accueil poli et une réputation de second derrière ses collègues shoegaze, Jesus & Mary Chain, Spacemen3, Slowdive et autres. Là où ceux-ci se débrouillaient à travers le brouillard de leur réverb’ et de leur fuzzbox pour quand même au final écrire une chanson et y inclure une progression vers un refrain un peu épique, vers une certaine apothéose, Loop faisait figure de spartiate, sévère, rigoriste et incapable d’écrire une mélodie accrocheuse. L’aridité des compositions, les rythmes monomaniaques et les drones obsessionnels le tenaient, à l’exception d’un noyau de fans, à l’écart du courant. La base de la musique était pourtant la même, en apparence, un son de guitare saturé, tout en vibrato, hérité des années soixante, joué très fort sur une rythmique simplifiée, avec des allusions de bon ton au Krautrock et au post-punk de la génération précédente. La différence tenait sans doute dans l’atmosphère recherchée par ces différents groupes, les uns rêvant d’espace, pourchassant l’emphase. Rien de tout ça chez Loop qui au contraire semblait faire du surplace, s’enfoncer dans des climats quasi oppressants, chercher la pesanteur à tout prix et maintenir un profil ascétique presque douloureux. Le mur du son est chez eux totalement immobile, pétrifié, écrasé par la gravité. Le caractère inexorable, implacable de leurs boucles répétitives, faisait passer la musique de leurs contemporains pour des arabesques baroques. La suite de leurs aventures confirmera ces tendances à la tangente lorsque le groupe quittera le bastion shoegaze en pleine « envolée » pour se lancer dans des projets de collaboration avec Godflesh, puis dans les carrières successives de John Wills et Neil Mackay, sous le nom de Hair & Skin Trading Company, ou celle de Robert Hampson sous le nom de Main. Les choses sont bien sûr souvent plus claires a posteriori, et on sait à présent que la musique a évolué dans leur sens, via la vague ambient qui allait suivre, jusqu’aux drones brumeux d’un Sunn O))) aujourd’hui.

Et si l’époque actuelle semble lorgner, par-dessus son épaule, sur cette période à la charnière des années nonante et en remettre les acteurs au goût du jour, il faudra cette fois penser à inclure Loop parmi les prophètes. C’est donc avec un timing parfait - quoiqu’involontaire - que débarque ce projet de réédition, retraçant l’œuvre du groupe avec une exhaustivité scrupuleuse. Le présent album reprend une compilation sortie pour la première fois en 1987 et qui est ici élargie pour remplir trois CD avec des pièces rares du groupe, leurs singles, leurs maxis, quelques morceaux épars sortis isolément sur des compilations et quelques remixes signé par Daniel Miller, le patron de Mute. La volonté de Robert Hampson est claire, revenir une dernière fois sur cette période, pour ne plus jamais avoir à y revenir par la suite. Il faut en profiter maintenant.

Benoit Deuxant

 

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