LOST AND SAFE
Tout en continuant sur la voie tracée par leurs efforts passés, The Books ne renie pas la tradition du songwriting folk américain mais nous emmène plutôt dans une déconstruction électronique de tout cet héritage, où une déferlante de samples organisés de façon souvent chaotique laissent étrangement place à un spleen apaisé d’une extrême richesse au niveau des textures ; l’usage bien que détourné du banjo, de la mandoline, du violoncelle et de la guitare acoustique veille à cette réussite. En redécoupant l’ensemble, en mélangeant les pistes et les idées, The Books crée au final de drôles de petites symphonies décalées que Nick et Paul ont enrichi cette fois-ci par la présence de leurs voix timides. Lost and Safe propose ainsi, plus que dans les précédents albums, de véritables chansons pop.
Car l’élément novateur de ce troisième effort est sans nul doute l’usage plus affirmé du chant et de la voix dans leur songwriting. Que ce soit via le texte, avec sa multiplicité de régimes et d’interactions avec la musique elle-même ou à travers l’énorme collection de sons piochés et archivés. On y trouve notamment des enregistrements sonores effectués par leurs soins et des disques de curiosités, trouvés dans des brocantes de l’Armée du salut, l’utilisation de la technique du Sprechgesang (telle qu’utilisée par exemple dans le Pierrot lunaire d’Arnold Schönberg) ou encore une lecture du poème Jabberwocky de Lewis Carroll. Nick Zammuto et Paul De Young tissent un patchwork numérique, folk et organique où des samples de films, de publicités, de documentaires, de cris d’animaux, des sons déformés et des rythmes déconstruits s’entrechoquent et se répondent sur fond de violoncelles renversés et de guitares sèches passées au sampler, venant ajouter une nouvelle couche poétique et non musicale à leur œuvre.
Jérôme Henriette