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Pointculture_cms | critique

JCVD

publié le

La complainte de l'ours (Isabelle Delaby)

 





 

 

 

 

 

 

 

 


LA COMPLAINTE DE L'OURS

Un film sur Jean-Claude Van Damme avec Jean-Claude Van Damme ?
Un film au cours duquel il se « révèle », il est enfin lui-même ? Effectivement, il s’agit bien de cela.
Et cet acteur, dont les frasques discursives ont alimenté bien des fous rires, n’a pas la vie facile. Le métier commence à être éprouvant: difficile de multiplier les cascades et les galipettes en treillis ou en kimono quand l’âge tout doucement se fait sentir.
En plus, soucis financiers, divorce… La lassitude s’installe.
Dur, dur d’être Jean-Claude Van Damme.
De passage en Belgique, il lui arrive des tas d’autres mésaventures.
Il doit se rendre à la poste pour faire un virement.
Et là, tout bascule…
Les 15 minutes où il arrive à Schaerbeek, avant qu’il n’entre dans la poste, sont, à mon sens, les plus savoureuses du film : dialogues succulents avec des tenanciers d’un vidéoclub, altercation entre une « taxiwoman » et un policier… Avec un humour très à la belge, un peu surréaliste.
L’ambiance des rues schaerbeekoises est rendue à merveille : un peu gris, un peu sombre, un peu sale avec ce je-ne-sais-quoi de terriblement attachant…
Une fois, dans le vif du sujet – le braquage de la poste – la caméra se concentre plus sur les états d’âme de notre JCVD national. Pauvre garçon, tiraillé entre son statut de héros, de star et le fait qu’il est, malgré tout, si si, humain, trop humain. Il fait de son mieux mais ne peut pas tout. Il a ses faiblesses, ses soucis, ses tracas, comme nous tous. En bref, la vie n’est pas toujours facile. Pour JCVD, quoiqu’on en pense, non plus.
Cette démonstration n’était peut-être pas nécessaire.
Le cadre et l’histoire du film étaient bien plantés, l’action et le suspense bien menés. Finalement, Mabrouk El Mechri signe un polar très valable.
Pourquoi dès lors s’attarder tant et plus sur le personnage de Jean-Claude Van Damme ? Tant et si bien que c’en devient pathétique ?
Ou alors, c’est un film à regarder entièrement au second degré, et de rire encore et encore des tirades pseudo-philosophico-humanistes de cet homme dont l’ambition n’a jamais été autre que celle de nous fournir des grands moments de franche rigolade…
Mais j’en doute…

Isabelle Delaby

 

 

Il faut l’avouer, de toutes les barbaques musculeuses qui gambadent dans les films d’actions, JCVD a toujours été le plus attachant. Pas le plus fort ni le plus intelligent, non, mais le plus attachant. Ces interviews-fleuves, et multilingues, dans lesquelles il se révélait également philosophe, achevaient de nous convaincre. On l’attendait au tournant d’un rôle différent, sérieux, ou en tout cas décalé, un chouia moins physique et un chouia plus introspectif. C’est à présent chose faite avec JCVD, un film de Mabrouk El Mechri, tourné ici, à Bruxelles, non loin de son lieu de naissance. Tour à tour drôle et pathétique, subtil et lourdingue, émouvant ou ridicule, JCVD est un film comme on n’en réussit qu'une fois. Il se consacre à une réhabilitation, si besoin était, de JCVD, Jean-claude Van Damme, héros des uns, honte des autres. C'est en cela que JCVD est un film qui ne fonctionne qu'une fois. Sorti de son rôle à l’écran, et surtout lorsqu’il s’agit du même rôle de film en film, qui sait ce qui se cache dans la tête d’un acteur? Les précédentes entreprises similaires de sauvetage, ou simplement de détournement, d'icônes de la culture populaire n'avaient jusqu'ici livré qu'un illuminé scientologue et un gouverneur républicain.

JCVD explore bien sûr à fond cette distinction entre la personne à l’écran, la personne publique, et la personne privée. Anti-héros, chien battu dans la vraie vie, le Van Damme du film craque, il a des problèmes d’argent, sa carrière bat de l’aile, il se fait vieux, il est en plein divorce et sa fille ne veut plus le voir parce que «chaque fois que mon père passe à la télé, mes amis se moquent de moi à l’école». Egratignant en passant ses collègues, Vin Diesel, Rutger Hauer, Stephen Seagal et sa couette, JCVD a de plus en plus de mal à lutter contre la concurrence. Il s’essouffle. Et pourtant son public, ses fans, lui conservent toute leur admiration; pour le surhomme, bien sûr, leur idole, mais aussi pour l’homme. «Il est comme tout le monde, monsieur l’agent », « il a bossé, Jean-Claude, pour aller jusqu’à Hollywood ». Mais le héros est fatigué, et le vernis s’écaille, et le public, volage, menace de se retourner contre lui. «Vous êtes plus sympa à l’écran, ça je peux vous le dire».

Et comme les ennuis appellent les ennuis, JC continue sa descente. Dans un Bruxelles maquillé comme pour un Jeunet-Carot, il pousse la porte d’un bureau de poste, où, mais il ne le sait pas encore, il va affronter son destin. C’est alors un classique film de braquage qui démarre, rendant au passage un hommage au "Dog Day Afternoon" de Sydney Lumet, avec un sosie de John Cazale dans le rôle principal, et comme chez Lumet des manifs dans la rue pour soutenir notre héros.

A coup de flashes-backs très efficaces, le film multiplie les approches, les éclairages, JCVD est examiné sous toutes les coutures. On nous le montre tour à tour fier comme un karateka, modeste comme un samurai, puis désemparé, cherchant à utiliser sa gloire qui s’enfuit pour obtenir de lamentables faveurs; « C’est incohérent, je suis Jean-Claude Van Damme, c’est des conneries!». Et puis, le film se fend d'une scène de confession, pétage de plomb où notre héros tragique prend conscience de sa condition et nous demande, nous, public, pourquoi tout ça, finalement, le monde, la violence (« c'est con de tuer des gens, ils sont tellement beaux »), l'injustice (« ça fait mal au cœur de voir de gens qui n'ont pas ce que j'ai »), tout ça, quoi. On savait l'homme philosophe, on nous le dévoile humaniste, lévitant zen pour la rédemption du monde, et la sienne. Située quelque part à une intersection improbable de John Woo et de Jean-luc Godard, cette scène est un sommet du film, et en marque les limites. Il n’est plus possible d’aller plus loin. Au-delà, il n’y a plus d’autre salut possible qu’un retour à la fiction, qu’un retour à l’action, comme le montre la fin (les fins) du film.

Benoît Deuxant

 


« JCVD » démarre au quart de tour sur un plan-séquence impressionnant: dans un hangar, not’ bon Yann-Cloot éclate leurs têtes à plusieurs dizaines de militaires armés jusqu’aux dents. Et à mains nues, s’il vous plaît!

Mais tout ça, c’est du cinéma, et l’on retrouve l’acteur, le visage grave, au tribunal pour une triste affaire de divorce et de droit de garde. C’est là que le brave quidam donne une grande tape dans le dos de sa femme et lui dit : "Teudjû Josiane, t’as vu ça: il est comme nous finalement!".

Sauf que c’est quand même Jean-Claude Van Damme !

Écrit sur mesure pour l’ancien gamin de Schaerbeek et réalisé par Mabrouk El Mechri, « JCVD » aborde (aussi) le côté obscur de Jean-Claude et ne lui fait aucun cadeau. Un petit coup d’œil au site officiel du film vous donnera de précieux renseignements sur sa genèse…

Film drôle et culotté, « JCVD » va bien plus loin que la réhabilitation de l’acteur en mal de reconnaissance: le jeune cinéaste ne passe pas 90 minutes à caresser son acteur dans le sens du poil, préférant aux éloges boursouflés un réalisme parfois cru, notamment en ce qui concerne la façon dont Van Damme est perçu par les cercles "intellectuels".

Ne faisant pas partie de ces cercles-là, je me suis offerte le luxe et le plaisir de la naïveté face à ce film totalement hors normes, et ma foi, j’ai passé un très bon moment !

Catherine Thieron

 


LA VRILLE DU HARICOT MAGIQUE

J'aime « JCVD » même si une bonne moitié du film (presque tout ce qui se passe dans le bureau de poste braqué) m'ennuie assez profondément. Je reste cependant de bonne composition, considérant que ces scènes verdâtres et stagnantes sont le prix à payer (peut-être un peu cher, certes) pour que l'autre partie du film, celle qui me touche et m'intéresse (celle qui se passe déjà, juste de l'autre côté de la placette schaerbeekoise, dans le vidéo-club transformé en QG des forces de police, puis plus loin dans le temps et dans l'espace, dans une salle de tribunal de Hollywood et, enfin, à une autre échelle, dans le corps - y compris dans la tête - de Jean-Claude Van Damme) puisse fonctionner – voire même simplement exister à l'écran.

C'est au bout de soixante-cinq minutes de film que survient la scène pour moi la plus marquante du film – et pas que « pour moi », évidemment : environ la moitié des articles et chroniques écrits sur « JCVD » mentionnent ce long monologue face caméra de Van Damme. Faisant explicitement allusion à ces célébrissimes interviews de l'homme-acteur où ce dernier perd de son assurance musculeuse pour laisser sa pensée partir en vrille, et dans un mouvement ascensionnel, tel le haricot magique du conte traditionnel, se retrouver les fleurs (la tête) dans les nuages (une certaine philosophie écartelée entre le bon sens, le court-circuit poétique et l'illumination étonnement productrice de sens) et les racines (les pieds) profondément plantés dans le sol (banalités, inepties terre-à-terre). Des interventions qui font le bonheur des bêtisiers, des sites Internet de partage de vidéos et qui, une demi-heure plus tôt dans « JCVD », dans une séquence d'une terrible lucidité / cruauté enfantine, font que la petite fille de l'acteur affirme au tribunal préférer aller vivre chez sa mère plutôt que chez son père («parce que chaque fois qu'il passe à la télé, mes amis se moquent de moi »).

La fameuse séquence commence aussi par un mouvement ascensionnel : l'acteur regarde vers le haut (vers Dieu ?) puis s'élève, comme en lévitation, mais surtout jusqu'à le faire sortir des subterfuges clairement mensongers de la fiction : sa tête se hisse au-dessus des murs coupés de ce bureau de poste en carton pâte et sans plafonds construit dans un entrepôt luxembourgeois désaffecté transformé en studio de cinéma pour se retrouver juste en dessous des rampes de spots du plateau. Et c'est parti pour sept minutes de monologue free style en plan-séquence, les yeux (de JCVD) dans les yeux (les nôtres), où s'entrechoquent souvenirs de vache maigre des débuts et de la déchéance physico-morale de la période soi-disant dorée. Plusieurs indices clarifient le fait que cette séquence déborde du film comme une hernie : en fond sonore, la radio diffuse exactement les mêmes inepties de Saint-Valentin lors de la montée en lévitation de Jean-Claude et lors de sa redescente. Entre les deux, se seront écoulées quatre cents vingt secondes… - ou zéro seconde ! Suivant la temporalité dans laquelle on se place : celle de la scène ou celle du reste du film, de l'intrigue.

Pour les détracteurs de cette séquence, celle-ci souligne trop lourdement des éléments déjà présents dans le reste du film. Surlignage fluo, peut-être mais pour rester dans les noms de marques, le Stabilo Boss ©  (cela aurait pu être son surnom de la période faste) s'est mué en Culbuto © vacillant. Et la séquence de poser plus de questions qu'elle n'apporte de réponses (« A moins que le parcours que tu me donnes est un parcours fait d'embûches où la réponse est avant la question  ») : a-t-elle par exemple été improvisée ou écrite et apprise par cœur ? Sans doute un peu des deux – improvisée à partir d'une base écrite, j'imagine (?) – mais, surtout, qu'importe : dans tous les cas de figure, Van Damme en sort comme un grand acteur. Et Mabrouk El Mechri comme le réalisateur qui a trouvé, à la fois, le stratagème scénaristique et les mots d'encouragement sur le tournage pour que cet acteur se révèle avant tout à lui-même, première condition sine qua non de notre propre étonnement de spectateurs.

Philippe Delvosalle
février 2009


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