IMPROVISORS - MAJAAP
Une série de dialogues conduits à Oslo, Arnhem, Amsterdam. Ping-pong
vocal, féminin masculin, très expressif. Très cérébral,
primaire affectif et coups en dessous de la ceinture. Cela relève du
chant, de la poésie. Disons une sorte de Pictionary où, au lieu
de dessiner avec un crayon, vous devez dessiner avec la bouche. Enchaîner
des pictogrammes phonétiques à la vitesse de l'éclair pour
raconter une action, l'évolution d'une émotion, l'explosion d'une
idée, décrire un objet. Tout ce qui est possible de produire comme
bruit avec sa bouche, tant dans le registre des bonnes que des mauvaises manières.
Les sifflements irrationnels de la spiritualité, le bourdonnement cristallin
des esprits, mais aussi les déconvenues physiques, les bourdes, les lapsus,
les flatulences, les impertinences organiques. Tout ce que les mots et les phrases
ne saisissent jamais, ne portent jamais au jour. Les restes. Qui s'accumulent,
peuvent obstruer le travail de la langue, l'engluer. Maja Ratkje et Jaap Blonk
puisent là-dedans, le font sortir, libèrent ces poids morts qui
lestent les mots. Donnent à ces restes une légèreté
de langue qui s'amuse, en train de s'inventer. De créer son alphabet.
En taillant dans les paroles bâillonnées. Modelant les caillots
de mots. Insufflant vie aux fœtus de langages informels, recrachés,
gigotant des répliques mi-dramatiques mi-drolatiques, sans respect. Puisant
dans les cris du ventre. Couinement de tripes en travers de la gorge. Constipations
grammaticales qui gargouillent. À écouter fort pour entendre les
moindres vibrations de la glotte, les soubresauts et déclics des cordes
vocales, les zygomatiques qui se tordent, les sauts de carpe de langue, la gymnastique
spectaculaire de l'appareil élocutoire qui court pour attraper des sons
qui forment images, qui parlent d'eux-mêmes. Chiens et chats. Spasmes
émotifs sexuels. Vieux archétypes de la dispute amant-maîtresse
coassés ou caquetés. Ronfleur impénitent qui scie son bois
qu'aucun sifflet n'interrompt. Un répertoire très étendu,
très creusé et mis en forme avec force et clarté, une grande
précision dans les traits, beaucoup de contrastes.
( Pierre Hemptinne, Charleroi )