MARIACHI: THE SOUND OF HYSTERIA & HEARTACHE
Comme le rappelle le livret de cette anthologie, l’origine du mot mariachi est aussi controversée que son authenticité. Certains y voient une déformation du français « orchestre pour mariage », d’autres une référence au bois utilisé pour construire le plancher des salles de bal mexicaines, d’autres encore une allusion à une mythique Maria H, et bien d’autres versions encore. Quant à son authenticité, et à la nécessité de défendre la pureté du genre, elle s’écroule d’elle-même. Genre bâtard, comme toutes les grandes musiques, la musique mariachi mange à tous les râteliers, associant aux divers folklores latino-américains le son des fanfares de cuivres qui plaisaient tant à l’empereur du Mexique Ferdinand Maximilian. Empereur autoproclamé, autrichien d’origine, ce despote vaguement éclairé, époux de la princesse Charlotte de Belgique (la fille de Léopold Ier, roi des Belges), voulait par là importer un peu de culture européenne dans son nouveau domaine. Après son exécution sommaire lors de la révolution qui le déposa trois ans après sa prise de pouvoir, les trompettes passèrent du camp des anciens maîtres à celui des révolutionnaires.
Si les puristes insistent sur les différents composants d’une formation de mariachi – guitare, guitare basse, vihuela, violon et trompette – ils sont généralement moins regardants sur le répertoire, admettant toutes les influences possibles, du Son du Sud à la Cancion Ranchera du Nord. C’est ce flou que restitue cette anthologie, balayant, comme c’est souvent le cas sur le label Trikont, très large pour inclure un grand nombre de variations du genre. Aux côtés de quelques morceaux montrant le rayonnement de la musique mariachi en dehors du Mexique, et nous présentant quelques-uns de ses interprètes moldaves, américains ou japonais, le disque explore les variantes les plus modernes du genre. Ce sont sans doute les morceaux les plus surprenants de cette anthologie. On y trouve les métissages hip-hop des Corsarios Del Tiempo, ou les versions électros du Nortec Collective ou de Wakal. Conservant les uns le son de trompettes, d’autres celui des guitares, ils transforment accordéons et guitares en loops hoquetants et poursuivent la vocation d’éponge musicale des orchestres mariachi ainsi que l’appétit dévorant d’assimilation de cette musique. Mélangeant le sérieux dramatique des complaintes poignantes qu’ils interprètent avec le sens de la dérision de ceux qui savent qu’ils vont devoir jouer la guitare coiffés d’un sombrero à paillette, tous ces artistes assument à fond cette dichotomie et cette contradiction. Une dichotomie encore exemplifiée par une chanteuse comme Yolanda del Rio dans son « el muro », chanson outrageusement déchirante interprétée sur un fond dégoulinant de cordes et de cuivres langoureux. On y retrouve toute l’hystérie et la mélancolie qu’annonce le sous-titre de cette anthologie.
Benoit Deuxant