BUONGIORNO NOTTE
« Adapté d'une histoire vraie » : cette expression
a de quoi faire frémir les plus ardents défenseurs du cinéma.
Et il y a de quoi ! Pourtant Mario Bellocchio évite avec la grâce
d'un funambule tous les pièges dressés sur sa route. Retraçant
le calvaire vécu par l'Italie lors de l'enlèvement d'Aldo Moro,
président du Parti Chrétien, par les Brigades Rouges en 1978,
ce film vaut plus pour sa dimension humaine que pour son authenticité
historique. Pas de prise de position politique ou idéologique, mais plutôt
une réflexion sur les contradictions qui nous habitent. Ce drame est
en effet présenté à travers les yeux d'une de ces « brigadistes »
qui va voir ses convictions se heurter à sa nature profondément
humaniste. Bibliothécaire le jour, elle devient, en franchissant le seuil
de l'appartement où est séquestré leur otage, une militante
convaincue du bien-fondé de ses idéaux. Les réactions populaires
ainsi que celles de ses acolytes vont ébranler ses certitudes. Peu à
peu, le doute va s'immiscer dans son quotidien, son regard va se perdre, cherchant
dans la pénombre de cette prison et de sa conscience la lumière
qui pourra guider ses pensées.
Exempte de jugement moral, cette réalisation joue la carte de la mixité;
en incluant dans son film des images d'archives, le réalisateur donne
en effet à son œuvre une valeur double : un ancrage historique
affirmé donc, mais aussi une vision plus personnelle car reflet des hésitations
les plus intimes rencontrées par tout un chacun. Ces alternances lui
donnent une émotion propre tout en permettant au scénario de garder
son intérêt. En nous renvoyant sans cesse à nos propres
convictions, Mario Bellocchio nous questionne sur la notion de liberté,
qu'elle soit prisonnière de l'aliénation de la conscience de tout
un chacun ou de celle d'autrui.
(Michaël Avenia, Liège)