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Pointculture_cms | critique

SI LE VENT SOULÈVE LES SABLES

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Ces dernières années, l’Afrique est passée au premier plan d’un certain cinéma engagé qui, prenant la mondialisation au mot, tend à démontrer la part de responsabilité des Occidentaux dans la situation dramatique de ce continent. Même le cinéma grand […]

Ces dernières années, l’Afrique est passée au premier plan d’un certain cinéma engagé qui, prenant la mondialisation au mot, tend à démontrer la part de responsabilité des Occidentaux dans la situation dramatique de ce continent. Même le cinéma grand spectacle, toujours à l’affût de la moindre tendance, a produit quelques films dont les composants génériques, stars, action, romance, dénoncent l’ampleur de cet impact sur le monde africain: vente d’armes dans Lord of War - VL0040 (A. Niccol, 2005 avec Nicolas Cage), industrie pharmaceutique dans The Constant Gardener - VC0146 (F. Meirelles, 2005), trafic de diamants dans Blood Diamond - VB0556 (E. Zwick, 2006 avec Leonardo Di Caprio), pour n’en citer que quelques-uns. Ces films se veulent éprouvants, engagés, et mesurent leur réussite en terme de changement politique plutôt qu’en nombre de billets vendus, même si la médiatisation dont ils font l’objet garantit leur succès commercial.

Dans ce contexte, ce qui distingue le film de Marion Hänsel, au-delà de son traitement volontairement anti-spectaculaire, c’est l’absence du «héros blanc», figure centrale des œuvres précitées. Le « héros blanc », c’est l’argument commercial ultime, l’acteur connu (Leonardo Di Caprio…) qui facilite l’identification du spectateur et lui aménage une voie d’accès vers ce continent lointain, trop hostile. Si le vent soulève les sables a le poids d’une dénonciation implicite, par défaut: une petite fille suit du regard les avions qui traversent le ciel et demande : Tu crois qu’ils viennent nous sauver ? Son père lui répond La vérité, c’est qu’ils ne savent même pas qu’on existe.

Ici, on suit une famille africaine, emblématique de ce qu’on appelle aujourd’hui les « réfugiés climatiques », forcés à l’exil pour survivre. C’est une longue traversée du désert, avec seulement un vague espoir de trouver de l’eau. L’aridité n’est pas le pire danger qui les guette: les militaires et les rebelles qu’ils croisent ne repartent jamais les mains vides, même s’ils n’ont plus rien d’autre à prendre que leur vie…

C’est en découvrant le livre de Marc Durin-Valois, Chamelle, que la cinéaste a décidé d’aborder ce sujet. Comme en témoigne sa cinématographie, où ne figure pourtant aucun documentaire, elle s’intéresse toujours de près à l’actualité et aux grandes questions humaines. Du livre, elle garde une trame réaliste, un attachement aux personnages, une intrigue dépouillée. Ensuite, la caméra s’attarde, sur les visages, les paysages; c’est une sensibilité admirative, qui recherche la beauté et la filme comme on regarde une icône, avec un respect craintif. La réalisatrice, qui a bénéficié d’un budget conséquent, avoue avoir voulu soigner la qualité de son image pour s’éloigner au maximum du reportage. Sans cette recherche esthétique, nécessaire distanciation, elle n’aurait pas eu la force de filmer une telle souffrance. Le film prend ainsi la forme d’un conte qu’elle adresse en premier lieu aux enfants.

Certains sujets en résonance avec l’actualité ont un tel impact moral sur le spectateur qu’ils lui ôtent tout esprit critique. Le meilleur exemple reste Babel - VB0527 (A. Iñarritu, 2006) qui, à coup de séquences brèves et de savants montages, accumule une telle quantité d’événements douloureux qu’on en est suffoqué. Seulement le sujet ne fait pas le film, d’autant que l’émotion laisse le champ libre aux manipulations. Alors bien sûr, Si le vent soulève les sables touche, mais au-delà de ce sentiment, on est forcé de reconnaître ses défauts: la mise en scène manque de caractère, le jeu des acteurs reste approximatif et, finalement, les meilleures intentions sont assez mal servies. Pourtant, à la différence de Babel, il émane de ce film une telle sincérité, un tel désir de témoigner sans chercher à impressionner que, malgré tout, on ne peut que le recommander. Parce qu’au-delà de la situation particulière de l’Afrique, c’est aussi une œuvre sur la famille et sur la force de ces hommes et de ces femmes pour qui il est plus facile de mourir que de vivre et qui, courageusement, choisissent, jusqu’au bout, de vivre. [retour]

Catherine De Poortere

 

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