« Martin Eden » de Jack London à Pietro Marcello
Dès les débuts du cinéma, les films se sont souvent inspirés d’œuvres littéraires. Le film peut avoir le mérite de remettre au goût du jour un classique, ou de donner un regain de vigueur à un roman. Ce n’est pas le cas ici, en tout cas pas pour ce qui concerne ce deuxième aspect.
Les ingrédients communs aux deux versions sont : l'amour, la beauté, l'art, les classes sociales, la bourgeoisie, la politique, la presse, l'individualisme, la gloire, etc.
Pour un fait de bravoure, Martin Eden, marin simple et sans attache, se retrouve du jour au lendemain introduit dans les salons de la haute bourgeoisie, où il tombe fou amoureux de la gracieuse Elena Orsini. Renversé par sa beauté, il décide d’acquérir le langage, la culture, et tente – et parvient – à se hisser à la hauteur – et ensuite au-delà – des valeurs culturelles et matérielles d’une bourgeoisie réactionnaire.
Le film (à moitié fidèle) impose des sautes de temps et autres anachronismes nuisibles. Après tout, le cinéaste est en droit de prendre des libertés. Sa volonté n’a pas été de trahir l’œuvre. Le récit volontiers elliptique de Pietro Marcello accompagne le personnage au fil de son apprentissage, de la découverte de sa vocation aux tentatives de publications répétées, non sans avoir vécu dans un dénuement miséreux. Martin se retrouve écrasé par son succès dans l’industrie culturelle, où l’on refuse qu’un individu se cultive par lui-même, sans aller à l’université pour obtenir un bout de papier. Le temps l’installe dans une position inconfortable, assis entre la classe des prolétaires qu’il regrette et celle d’une élite qui ne l’accepte que parce que triomphant.
Dans le cas présent, je vous recommanderais de privilégier le papier à la pellicule.
Alain Bolle