NO DIRECTION HOME
Scorsese a totalement réussi son coup en s'attaquant à ce chanteur mythique. D'abord parce qu'il est arrivé à faire sortir ce bougre de Dylan de sa réserve. Et le chanteur se prête volontiers au jeu en commentant les scènes, les moments, les personnages-clés de ces années qui ont bousculé le paysage musical. Ensuite, parce que le cinéaste a opéré un choix judicieux dans les archives et autres films de l'époque, à savoir les années 60. On ne perd pas son temps à se demander ce que devient le personnage; par contre on dispose ici de tous les éléments nécessaires pour comprendre ce qu'il fut au moment le plus incroyable de sa carrière : une sorte de poète visionnaire, écrivant comme un fou, se noyant dans un symbolisme lyrique et refusant d'endosser le rôle que beaucoup souhaitaient lui faire porter. Dylan n'a été ni le porte-parole d'une génération, ni le chanteur engagé dont rêvait la gauche américaine. Il était pourtant ce rebelle que d'aucuns voulaient comme chef de file mais il était totalement incontrôlable. Et, comme le dit le chanteur lui-même, il n'a rien inventé; il a, comme beaucoup d'autres qui s'expriment en ce film, puisé dans la tradition une façon de faire de la chanson qu'il a adaptée à ses besoins et à son écriture. Et tous les « acteurs » de ce film, interrogés maintenant ou s'exprimant à l'époque, sont là pour témoigner de cette longue filiation à l'histoire d'une chanson profondément populaire, accrochée à la terre et aux petites gens. Tous parlent, chantent, jouent et sont aussi passionnants à écouter que le sieur Dylan lui-même. Comme quoi c'est de toute une époque dont nous parle ce remarquable document. De plus, tous ces chanteurs et musiciens (de Joan Baez à Pete Seeger en passant par Mike Bloomfield, John Cohen et les New Lost City Ramblers, Liam Clancy, Tommy Makem, Al Kooper, Maria Muldaur, Bobby Neuwirth, Mark Spoelstra, Dave Van Ronk, Peter, Paul & Mary…) ont leur discographie présente dans les collections de la Médiathèque. Aucun magasin ne pourra, hélas, vous en dire autant.
ÉB