SEULS AU SOMMET
Lorsque le rock français se coltine la langue, ce n'est jamais gagné
d'avance. Ç a balance entre verbiages excessifs, lourdeurs empesées,
autisme et chic-« isme » tribun. C'est un exercice de
style périlleux que de faire 'rock-and-roller' Madame. Il faut de la
patience pour travailler la belle au corps. Le geste assuré par une longue
pratique pour l'émanciper, et parfois, la magie d'une harmonie ténue
opère, s'impose en un fol espoir silencieux tendu vers l'intemporel.
Mickey 3D, Programme, Expérience (pour n'en citer que quelques-uns) font
partie de cette mouvance actuelle. Sur leurs athanors, ils s'appliquent en praticiens
hermétiques à concocter dans leurs cornues quelques pierres philosophales
capables de transmuter l'être et la matière. Après L'avenir
est devant et Quelque part signés chez Lithium. Mendelson,
avec Seuls au sommet, change par la force des choses de maison de
disque (Rectangle), de formation et d'humeur. De deux - Pascal Bouaziz
(compositeur, interprète, guitare) et Olivier FeJoz (basse, contrebasse) - ils
sont maintenant sept, ralliant dans leur rang des musiciens issus du jazz. Les
longs blocs de rock menaçant des débuts articulant des chansons
miniatures désenchantées font place à une pop de chambre
plus éthérée, plus charnelle.
Les sonorités se « féminisent », arrondissent
leurs formes, s'ouvrent généreusement aux champs d'explorations
intimistes, organiques. Se lovent, s'abandonnent sans fracas dans des volutes
mouillées de brume romanesque à la Manset, à la Murat.
Serpentins d'écriture fine déroulant leurs rubans d'asphalte humide
et fumant dans le style des road-movies. Focale documentaire à la Kent
Loach où l'image ne prend de sens que par l'œil qui l'investit.
Paquet d'influences digérées, celles de Lou Reed, Dylan, Townes
et Randy Newman.
(Brigitte Lebleu, Charleroi)