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Pointculture_cms | critique

MODUS OPERANDI

publié le

Né avec la jungle, grandi avec le jazz et entré en affaires avec la drum’n bass, Photek a connu une belle mais éphémère épiphanie créative à la fin des années 1990.

Pour l’état-civil, Photek né Rupert Parkes a vu le jour en 1972 à St Albans, une petite cité sise à bonne trentaine de kilomètres de la capitale britannique. Il se passionne très tôt pour la musique et doit ses émois sonores originels au hip-hop américain qui constituera l’ossature de sa plantureuse collection de disques à venir. Mais à côté de Grandmaster Flash (dont le Message constitue son premier achat discographique), Ice-T et autres Ultra Magnetic MC’s, l’Anglais développe un intérêt équivalent pour le jazz des Miles Davis, de Coltrane et de Ron Ayers en particulier dont l’immortel « Everybody Loves The Sunshine » s’imprime à jamais dans sa mémoire. Si au milieu des années 1980, la déferlante acid-house sur l’Angleterre le laisse de marbre, il perçoit, à un océan de distance, les soubresauts de l’agitation techno qui secoue Detroit (celle développée par le triumvirat fondateur Atkins/May/Sauderson). Une passion nouvelle qui le conduira (à seize ans) à s’abandonner corps et âme au sein des raves parties, ces grandes messes électroniques qui, de par l’imprévisibilité du lieu où elles se tiennent et leur caractère massif, effraient la prude Albion. Mais c’est en leur sein qu’émerge, dans la première moitié de la décennie 1990, un nouvel idiome, la jungle, aux confluents tourmentés du dub/reggae, de la house garage, de la techno, mais aussi du jazz et du hip-hop. Une vitesse d’exécution insensée (autour de 170 BPM), des basses massives et ténébreuses où rebondissent des breakbeats frénétiques (tirés de claps de caisses claires et de cymbales mis en boucles après un traitement singulier et idoine), la jungle troquera progressivement son nom pour celui de drum’n bass sans que l’on sache véritablement pourquoi, se trouvera ses héros (Goldie, Grooverider, Roni Size), et un lieu – le club The Speed – pour accueillir ses fidèles et asseoir son rayonnement. Après l’acquisition d’un sampler Parkes fait paraître une série de six maxis, d’abord sous divers pseudos tels Studio Pressure, Aquarius ou System X, remixe Bowie puis publie en 1997 sa première plaque, Modus Operandi, sous le nom de Photek. Un disque qui garde de bout en bout une cohérence monolithique du genre (un écueil commun à pas mal de longs formats estampillés jungle ou D&B) tout en esquissant quelques pistes de sortie. Et à la noirceur palpable d’une musique par essence noctambule, Photek ajoute la précision chirurgicale d’un découpage rythmique minimaliste mais largement ouvert sur le jazz, flagrant dès l’entame avec un « Hidden Camera » drapé de nappes synthétiques rêveuses et plongé dans un groove soul évanescent. Les patterns volubiles ne tardent pas à se manifester pour un premier pilonnage mathématique en deux temps (« Smoke Rings ») sitôt suivi de « Minotaur », un titre au climat presque industriel dont la trajectoire en zigzags semble calquée sur celle, ralentie, d’une balle dum-dum. Posté à sa suite, « Aleph 1» reprend les algorithmes d’un BPM voisin de l’intelligent techno pour les réinjecter dans une D&B à peine attendrie mais désormais bien laconique et mystérieuse. Apparu dans la queue de comète synthétique du précédent, « 124 » fait presque croire à la naissance en direct d’un sous-genre microscopique, la jungle jazz ? La frénésie reprend ses droits même si temporisée de spectres vocaux (« Axiom ») et de montées acides ou ordonnancée comme un tir de précision pour un dancefloor en flammes (« Trans 7 »). « Modus Operandi » vient imposer un inattendu contretemps chaloupé, avec piano et contrebasse (samplés) en sus. Une franche intrusion dans le jazz que Photek complète d’un dernier exercice virtuose (« KJS »). Pour conclure sur « The Fifth Column » où l’Anglais tire sa révérence après une double œillade au dub et à quelques percussions tibétaines. Un signe de sérénité retrouvée ?
Un sommet que l’intéressé semble avoir atteint dès son coup d’essai pour se contenter désormais d’ascensions musicales beaucoup plus confortables et de moins en moins pertinentes à mesure que paraîtront ses travaux ultérieurs, même si ceux-ci se révèleront extrêmement lucratifs pour lui (comme sa participation à la BO d’Animatrix).

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Yannick Hustache

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