SYMPTOMS
Mordant Music possède également cet aspect spectral, cette constante présence que le groupe associe lui à un passé plus irréel encore. Comme les artistes du label Ghost Box, ils s’emparent du son d’une époque qui n’a jamais eu lieu, d’un monde qui ne s’est pas réalisé. Leur fascination commune va aux prédictions d’un autre temps, lorsqu’en pleine guerre froide, et jusqu’aux années septante, la culture populaire regorgeait d’histoires d’espionnage, de science- fiction, d’ouvrages de vulgarisation scientifique, mais aussi d’optimistes visions d’avenir, d’anticipations utopiques, qui ont marqué l’imaginaire collectif à défaut de se matérialiser. Aujourd’hui transformées en une forme paradoxale de rétro-futurisme, elles refont surface par bouffées, se prêtent à tous les collages, s’accumulent dans une grande confusion temporelle ; les périodes, réelles ou non, se mélangeant dans le plus grand désordre et coexistant de la manière la plus insolite. Simulacre de simulacres, la musique de Mordant Music s’était particulièrement illustrées dans des exercices de styles comme l’album Dead Air, fiction post-apocalyptique, simulation de transmission fantôme et d’inquiétants communiqués d’urgence. Et si SyMptoMs explore des territoires plus privés, plus personnels, il possède ce même parfum d’univers parallèle, non linéaire, non euclidien, où la logique n’a pas court et où la réalité se brouille.
Benoit Deuxant