Étrange parution sur le label 12K, jusqu’ici dédié aux musiques électroniques minimales et sobres que choisit ou produit son fondateur, Taylor Deupree. Grand amateur, dans le civil, de pop japonaise décalée, ce dernier avait fondé il y a quelques années un sous-label, baptisé Happy, sur lequel sont parus les très beaux Snow Bird et Ephemeral de Piana, et le Suomi de Gutevolk. Drape, premier album de Moskitoo, projet de Sanae Yamasaki, se trouve exactement à la frontière entre les deux labels et on imagine les hésitations qui ont dû précéder sa sortie sur 12K. Tout d’abord, cet album est en partie chanté, une première pour le label. Même si les vocaux de Sanae Yamasaki sont dans certains cas une simple couche de vocalises, l’album contient quelques réelles chansons, avec un texte et tout, rappelant quelque peu Piana, bien sûr, mais aussi Tujiko Noriko (la plage Watashi no neml tabi). Ces inévitables comparaisons mises à part, l’album est un mélange très personnel de textures et de climats, aux mélodies délicates. Sanae Yamasaki se dit principalement influencée par les arts plastiques (c’est elle qui signe la peinture de la pochette), et les expérimentations pop et électroniques d’un Brian Eno, par exemple. Drape est un album mélancolique et rêveur, entrecoupé de chansons pop qui se glissent subtilement au milieu de vaguelettes électroniques. Si le laptop est souvent l’instrument final, les sources sonores sont multiples: guitare, métallophone, orgue, boîtes à rythmes, synthétiseurs et instruments-jouets sont tour à tour injectés dans la macédoine sonore. Un équilibre étrange s’établit alors entre les passages les plus expérimentaux, les plus « musique concrète » et un sens étonnant de la mélodie qui fait de ce disque un prolongement impeccable aux récents développements du label.

Benoît Deuxant