Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Pointculture_cms | critique

Un dimanche à la campagne - « Mothering Sunday », un film d’Eva Husson

Mothering Sunday

amour, cinéma en salles, cinéma anglais, Eva Husson, Mothering Sunday, Josh O'Connor, Odessa Young

publié le par Anne-Sophie De Sutter

« Mothering Sunday », de la réalisatrice française Eva Husson, nous emmène dans la campagne anglaise peu après la Première Guerre mondiale. C’est un film romantique et empreint de tristesse, à la narration très impressionniste.

En ce jour de fête des mères, au début du printemps 1924, la météo est radieuse. Les époux Niven préparent une sortie au bord de la rivière, en compagnie des Hobday et des Sheringham, leurs amis proches, qui vont bientôt fêter le mariage de leur fille et fils respectifs. Ce dernier, Paul, annonce qu’il doit encore étudier un moment et qu’il sera en retard pour le repas. Ce n’est qu’un prétexte pour revoir sa bien-aimée, Jane Fairchild, domestique chez les Niven, qui a reçu une journée de congé. Les amants se retrouvent pendant un moment de grâce tandis que les convives attendent impatiemment Paul, le seul des fils qui a survécu aux horreurs de la Première Guerre mondiale.

Cette journée printanière est au cœur du récit et forme l’essentiel du film, mais cette histoire est entrecoupée de scènes se passant à d’autres moments, dans le passé et dans le futur. Ce serait dommage de décrire leur contenu ; leur insertion non linéaire dans le fil du récit se fait de manière très impressionniste et au début, le spectateur se demande un peu où il est emmené. Eva Husson créée de cette manière un certain mystère, une certaine étrangeté qui est particulièrement délicieuse. En utilisant des images baignées par la douce lumière du soleil (et la fumée de cigarette), des plans qui ont une esthétique seventies avec leur côté un peu flou, elle donne naissance à une ambiance assez particulière, dégoulinant de sensualité, dans laquelle le romantisme joue au jeu du chat et de la souris avec la tristesse qui enveloppe les personnages.

Les amants, joués par Josh O’Connor et Odessa Young, s’égarent dans leurs ébats amoureux, filmés par le regard féminin d’Eva Husson. Ils ont conscience que ce sera probablement la dernière fois qu’ils se voient aussi intimement et profitent de la moindre seconde de cette occasion. La caméra se focalise sur le plaisir de Jane, avec des gros plans sur son visage, tandis que Paul est plus en retrait. C’est d’ailleurs Jane, la jeune fille sans famille et sans richesses, qui est au centre de l’histoire, Paul n’est finalement que cet homme qu’elle ne pourra jamais épouser à cause de la différence de classe, un homme dont les familles aristocratiques ont déjà organisé le mariage avec une femme de sa caste (mariage qui s’annonce plein d’ennui, quand on voit comment agit la future épouse, Emma).

Eva Husson a également apporté beaucoup de soin aux scènes du déjeuner dans la campagne ; on y revoit des images de Downton Abbey mais l’atmosphère est totalement différente. Les adultes sont marqués par le deuil et peinent à être joyeux, même si un mariage est annoncé. Madame Niven (Olivia Coleman) est éteinte malgré les efforts de son mari (Colin Firth) ; elle n’a plus aucun goût à la vie. Les autres adultes tentent de faire bonne figure, tandis qu’Emma, la fille Hobday, donnerait la lune pour être ailleurs, loin du désespoir familial. Le cadre est bucolique, les demeures sont grandioses et le bord de la rivière où se trouve le restaurant est l’endroit rêvé pour une rencontre entre amis.

Le film est lent, l’histoire ne se dévoile que par petites touches, de nombreux plans au ralenti accentuent l’indolence et la douce amertume de cette journée de printemps. Il questionne la mémoire : ces quelques heures ont eu des conséquences sur la vie future de Jane, lui montrant un chemin qui n’était sans doute pas évident pour elle au départ. Il décrit aussi avec finesse le rôle des domestiques, ces femmes et hommes qui, par leur proximité, apprennent à connaître la vie intime de leurs employeurs, tout en se devant de garder le secret. Si on se laisse prendre au jeu, le film passionne par la distillation très fragmentée d’informations, dévoilant l’histoire par petites touches. Mais pour d’autres, ce long-métrage pourrait paraître un peu vide et poussif. Quoi qu’il en soit, l’analyse de la bonne société anglaise de l’entre-deux-guerres reste toujours intéressante, avec ces nombreux non-dits dans un monde qui a été totalement bouleversé par la guerre. Et le côté sensuel et très intuitif des images est particulièrement enivrant, créant une parenthèse entre tous les malheurs de la vie quotidienne.


Mothering Sunday, Eva Husson

Royaume-Uni – 2021 – 1h50


Texte : Anne-Sophie De Sutter

Crédits photos : Cinéart


Agenda des projections

Sortie en Belgique le 29 juin 2022, distribution Cinéart

En Belgique francophone, le film est programmé dans les salles suivantes:

Bruxelles : UGC Toison d'Or, Le Palace, Le Stockel, Vendôme

Wallonie : Ath L'Ecran, Charleroi Quai 10, Jodoigne L’étoile, Le Parc Liège Sauvenière, Mons Plaza Art, Namur, Cinéma Cameo, Nivelles Ciné4, Rixensart Ciné Centre, Waterloo Wellington

Classé dans