HOME SWEET HOME
Moussu T e lei Jovents nous plonge au cœur d’une Occitanie populaire, urbaine et assez désœuvrée avec ce troisième album studio qui, dans la droite ligne des précédents, sent bon la Méditerranée, sans fanfaronnades, ni faux-semblants, empli de passion pour Marseille et sa région, la ville, le port, la mer et la vie qui s’y écoule tantôt nonchalante et insouciante, alanguie au soleil (à nous faire pâlir d’envie sous notre ciel si gris), tantôt difficile car la situation de travail y est souvent précaire.
Des chansons qui semblent simples, naïves, parfois même désuètes. D’aucuns pourraient péjorativement les qualifier de « gentilles ». Ce serait manquer d’attention. Tout d’abord parce que les textes convoquent au chevet de notre écoute tout un monde, peu connu finalement car discrètement abrité derrière les clichés « vacances » véhiculés. Ensuite parce que ces morceaux sont riches de divers héritages voulus et assumés.
En fin de compte, ce disque aux composantes simples: voix, percussions, cordes, format peu complexe des chansons, ancré dans le local, a quelque chose d’universel de par les liens tissés avec des pratiques qui ont été ou sont encore courantes aux quatre coins du monde.
Voici les principales traditions dont s’inspirent Moussu T et Blu, les deux acteurs principaux du groupe, tous deux anciens membres de Massilia Sound System et auxquelles ils se réfèrent: le blues, le reggae, les repentistas du Brésil, les traditions occitanes bien sûr, les chansonniers du XIXesiècle et, via le banjo, le revival folk et le protest song.
D’entrée de jeu « La cabussada » donne le ton de l’album : c’est une chanson a cappella à deux voix, dans une lignée très traditionnelle, où l’on raconte le coup de foudre d’un homme pour une sirène. Superbe !
Par la suite, Moussu T et sa bande nous entraînent, en occitan, en français ou même en anglais, de chansons aux forts accents blues en ballades, en passant de temps à autre par des plages plus dans la veine des traditions locales.
Il y a les intempestives, celles qui d’emblée s’imposent dans notre tête avec leurs refrains que l’on retient dès la première écoute ou leurs textes savoureux. « Labour Song » avec son côté délicieusement rétro qui mélange allègrement un refrain un anglais repris en chœur et des couplets en occitan plus mélodieux, pour se terminer dans un grand éclat de rire. « Sur mon oreiller », une véritable ode au bonheur de dormir et de rêver, est servie avec une bonne dose d’humour.
Il y a les mélancoliques, plus discrètes, décrivant le quartier (« Ma rue n’est pas longue »), la région (« Mar e montanha »), ou plus engagées (« Lo chaple », « Roge-Negre »), revenant sur des pans d’histoire (« Camarada »), racontant la vie en mer (« Desamarra! »).
Il y a aussi les nonchalantes, purs moments de farniente, alanguies, tranquilles : « Le Divan », « Il fait beau », « Home Sweet Home ».
La dernière plage, « A la Ciotat », mine de rien, offre comme un résumé, maniant l’ironie et la critique sociale à merveille pour une chanson hilarante où le nec plus ultra, la classe de la classe, serait non plus Saint-Tropez mais… La Ciotat !
Isabelle Delaby