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Pointculture_cms | critique

MUSIC FOR THE JILTED GENERATION

publié le

En 1994, date de la sortie de son second disque, (The) Prodigy était le combo électronique préféré des aficionados du rock.

En 1994, le Parlement britannique adopte une loi – le Criminal Justice and Public Order Act – interdisant les grands rassemblements en plein air où est jouée de la « musique répétitive ». Avec cette mesure qui vise à mettre fin au phénomène des rave parties, déjà bien gangrené par ses divisions internes et ses excès en tout genre, c’est une page définitive qui se tourne pour bon nombre de ses acteurs. Certains choisissent de suivre une voie plus pop (et un format davantage radiophonique) tandis que d’autres préfèrent l’enfermement volontaire au sein d’une des nombreuses sous-chapelles électroniques.
Faisant le constat de l’effondrement de cette ultime utopie communautaire à une époque où l’individualisme consumériste tient lieu d’idéologie « par défaut », Prodigy (l’article « the » demeurant optionnel) décide qu’il deviendrait les Sex Pistols de sa génération. Usant de tous les artifices de la provocation à sa disposition (clips choquants, slogans ambigus tenant lieu de discours) et ayant eu la très bonne idée de fondre son brouet technoïde dense et hyper-énergétique dans un show 100 % rock’n’roll et très « pro », le groupe n’a alors pas d’autre ambition que de rafler la mise. Prodigy a l’avantage d’avoir, en la personne du leader et compositeur principal Liam Howlett, son Malcolm McLaren. À l’intérieur d’un noyau central de trois personnes, outre Howlett et le dénommé Maxim Reality, émerge progressivement vers l’extérieur la figure de Keith Flint, chanteur épisodique, danseur épileptique et porte-drapeau vivant de l’imagerie très étudiée de la formation britannique.
Fondé en 1990 dans l’Essex, Prodigy a déjà sorti en 1992 un premier disque (Experience) très influencé par le son des raves, mais décide pour le présent Music for the Jilted Generation de laisser passer quelques bonnes infiltrations d’un rock alors sur le retour, mais dans un contexte où l’étanchéité des genres perd de plus en plus son sens. L’influence rock est la plus patente se fait sur « Their Law » et son riff (samplé) métal boosté par des beats syncopés, ou encore sur un « Voodoo People » frénétique (mais plus discret le riff), hanté de sons acides et doté d’une rythmique jungle pugnace. Du reste, ce disque est un vrai concentré de tubes instantanés (le très dance « No Good (Start The Dance) » a été un hit absolu) et vitaminés, à la croisée de la techno et de l’électro, lesté de breakbeats jungle francs du collier et parfois d’inflexions franchement hip-hop (le poisseux « Poison »). Du brut de décoffrage qui, à force d’écoutes successives laisse néanmoins transparaître quelques finesses, tels ces sons de synthés Moog et de flûte sur l’amusant « 3 Kilos, The Narcotic Suite », ou encore ces quelques nappes analogiques subtilement enveloppantes sur « Skylined ».
Quelque peu désamorcé par l’inexorable écoulement des années qui a fini par en gommer l’urgence et montré ses ficelles un peu grosses, Music for the Jilted Generation a été suivi trois ans plus tard par un déjà routinier mais triomphal Fat of the Land. Un succès difficile à gérer et qui conduira Prodigy à un long hiatus d’une bonne douzaine d’années. Un silence qu’Invaders Must Die a à peine brisé tant son retentissement, en 2009, à l’échelle de leurs succès anciens a été moindre.

Hustache Yannick.

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