MUSIC IS ROTTED ONE NOTE
Aldous Huxley
Music Is Rotted One Note fait figure d’ovni dans la discographie de Squarepusher. Alors que ses précédents albums (Feed Me Weird Things et Hard Normal Daddy) faisaient la part belle à la drum’n bass et à l’intelligent dance music, cet album, paru sur Warp Records, propose une approche beaucoup plus acoustique et plus expérimentale.
Loin des séquenceurs et des boites à rythmes qui ont contribué à son succès critique puis public, Tom Jenkinson décide d’aborder l’écriture de son prochain album de façon nouvelle, de se fixer des règles du jeu et de changer d’instrumentation pour deux raisons, avant tout parce que le mode opératoire utilisé jusque-là ne le satisfait plus (il se sent limité par le caractère programmable de ses machines), ensuite parce qu’il veut éviter la facilité, briser la suprématie de la mélodie qu’il considère comme étant un moyen trop simple de se faire aimer du public. Music Is Rotted One Note sonne donc comme un album joué live, Squarepusher y joue de la basse, de la batterie et du clavier, principalement le fameux Fender Rhodes – texture autour de laquelle il vient greffer de la matière sonore issue d’effets du type reverb et delay qui donnent à l’album des atmosphères nébuleuses et fantomatiques. S’y confrontent ou plutôt s’y rencontrent deux approches, d’un côté la virtuosité technique que Squarepusher emprunte tout en lui rendant hommage au jazz fusion, de l’autre la démarche risquée de s’aventurer loin des pistes de danse, dans les méandres d’une musique proche de l’électro-acoustique. Prenant en quelque sorte son public à contre-pied et décevant sans doute plus d’un fan de drum’n bass, Squarepusher sort avec Music Is Rotted One Note un album aussi inspiré qu’inclassable. Le public ainsi que la critique y répondront le plus souvent de manière positive, même si un certain nombre de fans considèrent encore cet album comme une blague ou, pire, une ridicule démonstration de technique désincarnée.
Patrick Thinsy