IF I HAD A HI-FI
Formé au début des années 1990 par les amis d’enfance Matthew Caws et Daniel Lorca (le batteur Ira Elliott les rejoindra en 1995), Nada Surf s'est fait une belle réputation avec son power pop efficace et ses concerts aux petits oignons. Francophiles convaincus, prodiges des harmonies à trois voix et férus de reprises depuis toujours (les fans n'ont pas pu passer à côté de leurs relectures de « L'Aventurier », « Blue Monday » ou encore « Love Will Tear Us Apart », presque systématiquement enchaîné en concert avec leur « Stalemate »), les trois New Yorkais prolongent avec If I Had a Hi-Fi leur amour de la musique des autres, s'attaquant avec le même engouement à des monuments (« Enjoy the Silence » de Depeche Mode, « Love and Anger » de Kate Bush) qu'à des titres plus confidentiels (l'instrumental « I Remembered What I Was Going to Say » de The Silly Pillows, projet de Hilary Caws-Elwitt, sœur de Matthew Caws), passant du français (« Bye bye beauté » de Coralie Clément) à l'espagnol (« Evolución » de Mercromina) avec un naturel déconcertant et s'offrant au passage un petit clin d’œil à leur éviction du label Elektra via « The Agony of Laffitte » de Spoon.
Dégageant un enthousiasme qui fait plaisir à entendre, cet album aurait pourtant pu ne jamais voir le jour puisque le groupe a simplement répondu à l’appel de son ami Louis Lino, claviériste sur la tournée qui a suivi l’album Lucky (2008) et producteur à ses heures. Enregistré entre deux tournées dans le studio que ce dernier venait de monter, If I Had a Hi-Fi représente à la fois un joli coup de pouce professionnel et une récréation bénéfique au cours de laquelle le trionew yorkais a pu se laisser aller à toutes les fantaisies, ne serait-ce que dans la sélection pour le moins surprenante qui atteste de sa grande curiosité. Dans un joyeux bordel organisé, à l’image de la pochette du disque, Nada Surf évite néanmoins le piège de la redite et de la reprise inutile (celle qui ressemble à s’y méprendre à l’original… en moins bien), se réappropriant chacune de ces chansons en les habillant des petits je-ne-sais-quoi qui ont fait la réputation du groupe au fil des ans: les arrangements pleins d’énergie, des harmonies vocales irrésistibles, des petits gimmicks entêtants… Faisant sienne la formule « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », le trio a visiblement pris du plaisir à enregistrer cet album qui, tout comme ses précédents opus, gagne en intensité à chaque écoute jusqu’à devenir indispensable... n’en déplaise aux mauvaises langues !
Catherine Thieron